Réndodjo Em-A Moundona

Quand ruines et taudis gonflent l´économie de l´Etat

Bairo Alto et ses anciennes maisons

Il y a un phénomène qui s´est passé et se passe encore sous mes cieux. Le déguerpissement. Phénomène d´urbanisation, d´agrandissement, de modernisation, d´aménagement, et que sais je. Je ne sais qui des dirigeants a eu l´idée. On rase des quartiers sur un critère connu seul par nos maires imposés sans l´avis des archéologues, les géologues, urbanistes, géographes, historiens et sociologues. La légende populaire raconte que la jalousie entre deux hommes pour une femme est devenue une affaire de clan et on a rasé Dembé qui est à présent le repaire des brigands coupe-gorge colombiens et le logis de tous les bandits et autres criminels et pickpockets.

J´écris aujourd´hui, car en visitant certains pays, je vois comment les vieilles baraques rapportent de l´argent. Parfois j´y ai aussi laissé passer mes maigres sous histoire de voir et me rendre compte à la fin que ce n´était pas si grand que ça ou si historique qu´on le croit. Il y´a trois semaines, j´ai payé pour voir les taudis comme  Chaido, Bairo Alto qui font Lisbonne. Des maisons ou des ponts  en ruine, parce qu´ayant résisté à un tremblement de terre. Je me suis arrêté devant des fondations des maisons non achevées, des maisons écroulées allant parfois me laisser photographier et souriant comme un niais. Puis un clic. Une lumière a jailli dans ma tête et je me suis dit :  si on n’avait pas rasé Gardolé pour un hôpital sans goût et sans architecture définie. Si on n´avait pas rasé Moursal, Mme Togui pour un commissariat actif qui s´accommode des voleurs au lieu de protéger la population. Je me dis si on n’avait pas détruit  tous ces vieux quartiers, je me serais faite guide pour touristes racontant les épopées de mes ancêtres les Sao et leur arrière-grand-père Toumaï. Bla bla bla Toumai a fait ci, bla bla bla Sao a fait ça. Là, c´est le tombeau du fils de Mbang Gaourang avec la reine Maijenesaisquoi, de l´autre côté le château en ruine du fils adultérin de la reine de Midi avec le roi Sao qu´ils ont caché pour ne pas s´attirer la colère de la reine mère. Au Nord de là, le tombeau de Brahim Seid et, etc. J´aurais eu un job de rêve ; beaucoup d´argent pour peu de travail. Les touristes laissent souvent de gros pourboires pour un mensonge bien concocté.

Voyez-vous tout ce qu´on aurait pu faire de nos taudis d´Amriguébé, de Ngueli, Sabangali, Chagoua et tout le reste ? Et ce n´est pas tout. Mon petit frère aurait pu vendre aux touristes des pacotilles soi-disant des bracelets des reines Oumé, Maidjouré. Ma grande serait restauratrice et proposerait le bouillon des chasseurs. Bouillons que prenaient les Sao avant la saison des chasses. Mon père se déguiserait en ancien garde du palais royal du royaume Kanembou pour compléter sa petite pension de retraité tchadien. Je sais que ma mère se réjouirait d´arrondir ses fins de mois et préparer sa prochaine retraite en économisant un peu. Elle jouera la prêtresse du temple des rois du Ouaddaï.

Vous voyez ce qu´on aurait pu faire avec tous ces taudis qu´on a rasés ? Ce billet sert donc de plaidoyer pour tous ces autres quartiers déguerpissables qui portent des croix blanches du cadastre. Ces futurs déguerpis d´Atrone, d´Habéna, d´Atrone ou Kamda. On peut moderniser une ville, l´embellir sans devoir casser, raser , déboiser. Au contraire on peut utiliser chaque composante, en tirer profit pour l´économie. On aurait investi l´argent pris sur les entrées des sites pour les entretenir ou construire la ville. Il nul besoin d´être sorcier pour avoir une suite dans les idées. Voilà, c´est que je peux après ce billet être une bonne conseillère au ministère du Tourisme, développement urbain ou à l´aménagement du territoire. Et si après lecture de ce billet on ne revoit pas la politique du déguerpissement. Je dirai que nul ne veut le bien de la population tchadienne.

Voilà, j´ai parlé.


Immigration clandestine, mes chefs d´Etats africains j´ai honte pour vous

Au moins cinq opérations différentes plus de 400 morts lors de deux naufrages au large de Lampedusa rien qu´en Octobre, un sommet ce vendredi 25 à Bruxelles, les projets Frontex et Eurosur sont redynamisés. L´Europe débloque des moyens et tient des sommets comme en temps de guerre. Que fait l´Afrique dont les enfants sont la cible de ces assises? Rien.

Ici sur ce continent, un sommet n´est organisé que quand il s´agit de protéger un chef de guerre. En plein crise du premier naufrage, un sommet se tenait parallèlement à Addis Abeba dans l´indifférence totale pour ces Africains que les vagues ont brisés les crânes contre les roches de Lampedusa. Même pas une minute de silence en leur mémoire. La tête de présidant kenyan valait plus que des centaines de cadavres d´autres Africains. Depuis le début de l’année, 13 000 migrants et demandeurs d’asile ont débarqué sur les côtes italiennes à bord de 140 navires. Ce sont des «diplômés-chômeurs» qui ne trouvent pas d’emplois qualifiés dans leur pays d’origine ou bien leurs revenus ne leur permettent pas de joindre les deux bouts : des jeunes désespérés que je refuse de juger. 700 autres migrants ont encore été secourus dans le canal de Sicile dans la nuit de jeudi à vendredi 25 Octobre. Les dirigeants européens se réunissent vendredi à Bruxelles pour soulever l’épineuse question de l’immigration. Une prochaine réunion des ministres de l’Intérieur de l’UE se tiendra les 5 et 6 décembre 2014. Le contrôle des frontières extérieures Frontex dispose d’un budget de 85 millions d’euros, d’avions légers, de bateaux et d’hélicoptères, ainsi qu’une troupe d’intervention rapide pour contrer l´Immigration. Où est l´Afrique dans tout ça? Nulle part. Ses dirigeants sont comme toujours aux abonnés absents pendant qu´on décide du sort de leurs populations. Pour qui voulez-vous conserver vos fauteuils présidentiels si toute la jeunesse devrait mourir à Lampedusa? Pas un discours, pas un deuil continental ou national. Pas la moindre larme ni le moindre remords.

Ma grande surprise est le silence de la présidente de l´Union Africaine. Une femme qui a certainement connu les douleurs  de la maternité, qui connait les valeurs d´une progéniture et la rage de perdre celle-ci. J´aurais pu me taire puis que le Tchad n´est point concerné par le phénomène. Mais connaissez-vous ce sentiment qui vous envahie lorsqu´on vous lance dans la rue des œillades soupçonneuses parce qu´Africaine donc absolument nouvelle migrante ou une clandestine? Cette gêne lorsqu´une collègue lors de la pause entre deux bouchées de pains, regard amusé, vous demande ce que vous pensez de ce nouveau naufrage? La rage de ne pouvoir défendre deux Africains comme vous qui se font rabougrir dans un commerce par la vendeuse parce que, demandeurs d´Asile ne parlant pas la langue locale? Le jour où, vous aurez vécu cela, comme moi vous vous poserez certaines questions et criez votre rage à nos dirigeants.

Les moyens ne manquent pas à l´Afrique j´en suis convaincue. La stratégie non plus. Nous avons vu au Mali la capacité de l´Afrique à s´unir. Pourquoi ce mutisme quand il s´agit de défendre votre jeunesse contre l´immigration?Comment voulez-vous que l´Europe vous écoute quand vous êtes sourds face aux larmes de vos fils? Pourquoi refusez-vous que la CPI vous juge quand vous commettez des crimes humanitaires? Car l´immigration est bien un crime à mes yeux.

Les politiques européens avec beaucoup de perceptions que de faits jouent sur les maux et les mots faisant des clandestins des envahisseurs. J´aurais aimé qu´avant ces sommets on cherche les raisons de l´immigration clandestine. C´est un mal que ni Frontex ni les discours aux relents violemment racistes ne pourraient arrêter. Les migrants sont organisés ainsi que les passeurs qui vivent de la misère des autres. Ils trouveront d´autres moyens pour contourner ces mesures de sécurité. Qu´adviendrait-il si l’Europe investissait ces moyens de sécurité dans une politique d’intégration et projets de développement dans les pays d’émigration? Qu´adviendrait-il si l´Europe jouait le franc jeu de la non-ingérence dans les politiques africaines en rompant tout soutien aux pouvoirs dictateurs? Pour venir à bout de ce fléau, il faut beaucoup de composantes dont la voix des Etas africains en premiers. Sortez de vos sommeils avant que tout un continent ne meurt.

Je vous ai averti.


La réforme de la renaissance

Dites-le à ceux qui veulent bien entendre. Il y´a longtemps certains savent que votre fort c´est de déplacer les problèmes, accorder la responsabilité aux autres. Enfin de compte on sait que les têtes la sont chauves alors allez peigner ailleurs. Moi je refuse cette réforme du système éducatif tchadien. Elle ne rehaussera pas le niveau des élèves, elle ne payera pas régulièrement le salaire des enseignants, elle ne construira pas des salles de classes et des amphithéâtres de qualités pour les futurs dirigeants du pays. Bref cette réforme telle que vous l´envisagé n´aura servi à rien avant son élaboration même.

 Ces dirigeants tchadiens vraiment, j’arrive plus à les comprendre. Je ne sais pas si c´est moi le problème ou le problème c´est eux. Peu importe. Mais une chose est sûre, on ne se comprend pas. Beaucoup de Tchadiens d´ailleurs ne les comprennent pas. Dans un pays qui compte moins de 40% de taux de scolarisation, pour les estimations les plus généreuses, on décide du jour au lendemain de fermer plus de la moitié des lycées publics sous prétextes que le taux de réussite aux examens nationaux serait très bas Ou étaient-ils dans les années passées puisque ce taux de réussite au baccalauréat n´est pas nouveau sous le soleil tchadien. Aucune raison ne peut justifier la fermeture ou  la suppression de certains établissements.  Je me demande si ce n´est pas un masque pour sublimer le manque cruel d’enseignants sur l´ensemble du territoire. Si tel est le cas, je ne crois pas qu´avec peu de collège et lycées l´on comblera ce vide.  En tout cas, on vous connaît avec vos mesures réglementaires.

Nous sommes à la rentrée scolaire et je me demande bien ce qui adviendra de ces élèves des établissements fermés. Les lycées nationaux croulent déjà sous les nombres pléthores et, peu de parents peuvent se permettre d´inscrire leurs enfants dans le privé. Avons-nous encore une Assemblée Nationale avec des représentants du peuple? Si oui, pourquoi n´ont-ils pas jusque-là réagit? Depuis l´annonce de cette suppression d´établissements scolaires, j´ai attendu d´écrire mon article. Je ne voulais mettre la charrue avant les bœufs. J´attendais donc que les illustres représentants convoquent le ministre de l´enseignement en session même si c´est extraordinaire. Ce que j´avais oublié c´est que, au Tchad il n´y´a de session extraordinaire que s´il y´a une menace pour nos élus en personnes. Et puis, pourquoi doivent-ils arrêter leurs sommeils et trimbaler leurs embonpoints sous ce soleil de plomb jusqu´à l´Assemblée quand on sait bien qu´ils ne sont pas concernés au premier degré? Qui de leurs enfants fréquentent dans ces établissements?

Chers parents d´élèves, allez-vous plaindre ou vous voulez. Ce n´est la faute à personne si dans la vie, il y´a les uns et les autres. Les riches et les pauvres. Les nantis et les démunis. Les intelligents et les moins intelligents. Les bons établissements et les mauvais établissements. Pour ma part j´aurais pu proposer qu´on fasse les Etats Généraux de l´éducation tchadienne. Cependant combien d´Etats Généraux a connu ce pays depuis la République des Libertés (entendez depuis l´avènement de la démocratie au Tchad. Donc depuis 23ans)? Il y´a eu les Etats Généraux de l´Armée nationale mais on rencontre encore les policiers, gendarmes et militaires qui lisent les cartes d´identité à l´envers, sirotent le thé sous les nîmiers ou lieu d´être dans leurs bureaux. Il y´a eu les Etats Généraux de la presse, les journalistes sont encore poursuivis de plus belle.  Je crains qu´ après ceux de l´éducation, les enseignants engagent une grève sans interruption. Ce qui est moins préférable à la fermeture de quelques établissements mal lotis.


Autopsie de la politique allemande

Je n´ai jamais parlé de la politique allemande avec vous sur cette plateforme. Et Dieu sait, des choses à dire, il y´en a. J´ai voulu juste me taire ce fut mon choix, mais avec cette vague d´élections, les législatives le 22 septembre et la présidentielle dans les jours prochains, je crois qu´il est temps de m´exprimer. Pour être franche, je ne me suis jamais intéressée à la politique allemande jusque-là. Et Dieu encore,  sait combien on a à dire du pays  d´où je viens, le Tchad. Il serait malhonnête de crier sur l´autre quand notre maison elle-même  est sale. Bref, je croyais que ou je ne voulais pas parler d´une chose dont je n´en sais que peu. Mais j´ai changé d´option. Je vis désormais ici, ici, et mon nouveau chez moi et j´ai un droit de regard sur ce qui se fait dans ce pays, les idéologies, les concepts et les projets sociaux que les partis vendent aux citoyens que nous sommes.  Cet article est essentiellement basé sur mes entretiens avec le petit nombre d´Allemands qui acceptent encore de parler politique ouvertement, mes propres impressions suite aux débats télévisés, coupures de presse et les informations; les quelques rares que j´ai suivies et ma subjectivité. Des opinions qui m´engagent donc personnellement.

 A tout seigneur tout honneur : je ne peux que commencer par le parti dirigeant, la coalition CDU qui est une Union socio-démocratique chrétienne. Elle est la grande “Volkspartei der Mitte” défendant au fond des valeurs chrétiennes-sociales et adoptant une position à la fois conservatrice, mais libérale. D´après la génération actuelle, c´est dans les maisons de retraite que se trouve son plus grand électorat. La CSU (Christlich-Soziale Union (in Bayern)) : elle est le pendant du CDU en Bavière. Elle est reconnue très conservatrice. La jeune génération d´Allemands n´apprécie pas la ligne politique de ce parti : on ne travaille que pour payer l´impôt.

La SPD ou le Sozialdemokratische Partei Deutschlands est le grand parti d’opposition et représente le parti allemand le plus longtemps établi au Parlement. A l’origine d’une idéologie social-démocrate, elle s’oriente progressivement vers le social-libéralisme. Cette formation a eu le vote des Africains parce qu´ouverte  à l´intégration des migrants.

Die Linke offre son soutien à la classe dirigeante : les demandes minimales que le parti présente sur ses affiches – salaire minimum, revenu minimum de retraite, impôt sur la richesse, pas d’intervention dans les guerres – masquent sa politique en réalité antiouvrière. Partout où Die Linke a gouverné, il a appliqué une politique diamétralement opposée à sa propagande électorale. Le Land de Berlin, que Die Linke a gouverné de 2002 à 2011 en coalition avec le SPD, a joué un rôle précurseur dans les attaques à l’échelle nationale contre les emplois et les salaires du secteur public et dans la réduction des dépenses publiques. Die Linke est la gauche allemande en quelque sorte.

Bündnis 90/Die Grünen : Le “Bündnis 90” représente un groupement de militants des droits de l’homme. “Les Verts” défendent des valeurs surtout écologistes. Je ne sais pas pourquoi, mais je vois en ce parti un rassemblement de tantes habillées de cotonnades avec leurs cheveux teintés jaune, rouge ou vert. Elles polluent plus l´atmosphère avec les BMX cylindrées qu´elles n´agissent.

FDP (Freie Demokratische Partei) : c’est  le parti libéral en Allemagne. Une formation qui milite pour le renforcement de la liberté et la responsabilisation de l´individu. Selon les Allemands, les gens du FDP sont des capitalistes. Aussi longtemps que leurs entreprises marchent, tout va bien et le reste n´est pas leur souci. Ce parti ne siègera plus à l´assemblée, car il vient de perdre sa place au législatives passées avec 4,8 % de vote. Son électorat est turc. Quoi de plus normal qu´un environnement des affaires propice pour propager les Dönerladen (restaurants turcs où l´on vend des sandwichs turcs appelés Döners) ? L´humour allemand dira qu’ y-a-t-il de commun entre la bière et le FDP ? La réponse est 4,8 % (l´une en pourcentage d´alcool et l´autre en pourcentage d´électorat). Ces résultats ont d´ailleurs contraint le chef du parti Phillip Rösler à démissionner.

NPD ou l´extrême droite allemande avec pour slogan l´Allemagne aux Allemands. Sans se voiler la face, c´est le parti le plus radical des partis extrémistes avec des idées anti-étrangers.

Die Piraten ou les pirates est le dernier des partis de l´arène politique allemande. Jusque-là, je n´arrive pas à cerner ce parti. Aucune politique, aucun projet de société en dehors de l´Internet accessible et sans contrôle pour tous. Pour moi, c´est une bande de copains geeks en veste de cuir avec des piercings et des tatouages partout sur le corps. Bientôt des députés tatoués jusqu´au crâne dans l´hémicycle. Ce ne serait pas mal aussi.

« Alternative pour l’Allemagne » (AFD), est un nouveau parti qui se veut anti-euro. Il enregistre une montée de populisme assez inquiétant en ce moment. Une aubaine pour les Allemands qui, exaspérés par les plans de sauvetage des pays du sud de l’Europe, se questionnent de plus en plus sur leur rôle dans l´Union et expriment aussi vertement leurs peurs pour leur économie dite stable et leurs emplois.


Mes élections allemandes

 

Mon dimanche d’avant-hier 22 septembre est particulier. J’ai pu être témoin pour la première, de l’élection allemande. Les bureaux de vote ont ouvert dimanche à 6H00 GMT pour une élection législative qui devrait confirmer Angela Merkel à son poste de chancelière pour les quatre prochaines années. Et ce fut chose faite. Seulement je veux revenir sur ce dimanche bien particulier pour moi.

Comment par une malchance, c’était moi qui devrait travailler ce jour. Fini ce long week-end dont j’ai rêvé loin des bulletins de vote, des décomptes des voix et compagnies. Moi et les élections c’est le désamour total. L’histoire remonte à 2001 où, j’ai participé pour la première fois de ma vie aux élections présidentielles tchadiennes et j’ai vu la victoire de mon candidat favori Yorongar Ngarledji usurpée. Ce fut la première et dernière fois que j’ai eu une carte d’électeur et un bulletin de vote en main.

Me voici donc zigzaguant entre les files de voitures pour rattraper mon bus, arriver à temps au travail et découvrir que nous avons un bureau de vote dans notre maison de retraite. A 15h, ma collègue de l’Abteilung Beschäftigung m’envoie un mail pour me dire que le vote est fini. Pourtant pour mes retraités les choses sérieuses ne font que commencer. A mi-voix, je perçois leurs inquiétudes, certitudes et assurances sur les résultats. Ils attendaient tous comme moi les résultats mais chacun avec ses raisons. Eux, ils verraient bien un candidat qui payerait toujours leurs frais de pensions, ne diminueraient pas les impôts. Bref, ils étaient plus ou moins pour la chancelière sortante et le CDU (l’Union des Chrétiens Démocrates). Moi j´attendais les résultats pour que le calme revienne, le dernier accepte de se coucher, de se laisser suspendre sa perfusion.

À 10h30, les premiers résultats sont annoncés donnant le CDU donc Angela Merkel vainqueur. Entre deux activités je m’attable avec mes patientes. Oui, de la situation il faut en tirer le meilleur et une pause supplémentaire ne fait du mal personne. Je profite pour savoir ce qu’ils pensent des partis politiques allemands et celui de leur préférence. A 19h, le CDU et le SPD se sont démarqués. Angie comme on l’appelle doit de nouveau diriger l’Allemagne avec ses rivaux du Parti social-démocrate (SPD), comme elle avait dû le faire lors de son premier mandat, entre 2005 et 2009. Frau S. se lève alors sur ces mots : « Le futur est à présent garanti. Je m´en vais me coucher mes chères dames ». Je me lève à sa suite signifiant par-là aux autres qu’il est l’heure d’aller au lit.

« Apres tout, Merkel, Steinbruck ou Rössler, ils ont tous quelque part une ligne de conduite et de lobbys bien tracés et cela ne changera pas grand-chose à la situation actuelle de l’Allemagne », renchérit Frau D. Moi en tant qu’immigrée que dois-je dire? Ah, j’oubliais, le premier noir peut enfin siéger au Parlement allemand. Karamba Diaby, bon vent! Ça au moins je peux le crier fort.


Je suis chinois et je consomme tout

 

Que voulez-vous ? Des partenaires? Voici les moins chers ou moins regardant question des droits de l´homme, la bonne gouvernance, la justice sociale, la sécurité,… Bienvenue dans la Chinafrique où tout est permis et tout est occulté au point qu´on se demande que cache cette absence de conditionnalités. A mon avis, la Chine peu respectueuse des engagements et autres discours relatifs aux conditions de production de ces marchandises, ne conditionne pas ses aides afin d´avoir la main libre.

Je crois que je vais devoir ne plus suivre les informations. A chaque fois que je l’essaie, il faudrait bien qu’il y ait une nouvelle qui me fâche, me fasse pleurer ou rire. Et ça, je n´aime pas trop. Voilà, comme ça j’ai observé une grève de faim, que dis-je, une grève de l’information pendant une semaine. Et comme si les dieux de l´information sont contre moi, ils attendent le premier jour où, je me remettais, pour me filer ce reportage sur les cornes d’Antilope saisies. Ces défenses étaient destinées à la médecine chinoise. Il ne manquait plus que ça pour ressortir mes critiques acerbes contre la coopération chinoise avec le monde et surtout, cette Chinafrique que j’ai toujours vue d´un bon œil mauvais œil.

Il fut un temps où, la coopération sino-africaine a suscité un vague d’espoir d’attente et de rêve.  Enfin un partenaire avec les mêmes réalités que celles d’Afrique. Mais c’était il y a bien longtemps, car la gourmandise, l’appétit sans borne et la négligence en matière de droits environnementaux des exploitants chinois commencent par révulser. Non,  il n’y a trop de disparités entre les deux mondes sauf une : l’Afrique bazarde ses richesses comme de la pacotille et la Chine amasse, disperse et détruit le peu qu’elle n’en veut pas. Puissance naissante, la Chine opère avec une véritable culture de razzia et une gourmandise sans limite de tout sauf rien. Elle exploite même l’inexploitable, rase l’Afrique de tout. Je sais que la médecine chinoise est fanatique des cornes de nos rhinocéros, férue de l’ivoire de nos éléphants, mais sa dernière trouvaille, l’objet de ce billet me laisse encore pantois : des cornes d’antilopes. Même si l’origine de ces cornes n’a pas été dite, qu’elles proviennent d’Afrique ou non, moi je crois qu´elles ne seront pas loin de l’Afrique. Bois et pénis de cerfs, fagots de serpents, vins à base d’os de tigres, poudres de cornes de rhinocéros et autres philtres tirés de carapaces de tortues … On n’est pas dans le scénario d’une séquence d’Harry Potter. Toutes ces parties d’animaux sont réputées soigner le cancer, la fièvre, et tous les maux bénins dans la médecine chinoise. Comprenne donc qui pourra la fascination subite de la Chine pour l’Afrique le réservoir de ces animaux recherchés. il faut bien assurer une source lorsque les autres parcs seront vidés de leurs faunes.

Non-respect et inexistence de clauses de contrat

Hier c´était l’ivoire, le pétrole, le ciment. Aujourd’hui, les cornes d’antilopes auxquelles on attribue des pouvoirs aussi mystiques que mystérieux pouvant soigner tout. Rien ne se jette chez le Chinois. Tout se consomme donc. Je m’imagine déjà un thé au venin de serpent d’Afrique dans les rayons des supermarchés chinois ! La Chine est le second partenaire de l’Afrique après les Etats-Unis et avant la France. Contre routes, bâtiments mal bâtis et quelques chinoiseries assorties de bourses d’études, elle impose une coopération pour se garantir un positionnement sur le continent, sécuriser ses approvisionnements de matières premières, offrir des débouchés privilégiés à ses multinationales, consolider son statut de nouvelle puissance mondiale. Malheureusement, il est souvent prouvé qu´elle a de ces légèretés quand il s´agit de respecter les clauses de la bonne coopération. Il y a deux mois l’affaire de la pollution l’environnementale du site pétrolier de Ndjamena a fait la Une des médias tchadiens. Du pétrole brut rejeté dans la nature à l’air libre par l’exploitant qui est une compagnie chinoise. Un vrai gâchis des ressources énergétiques du Tchad après des centaines de cadavres d’éléphants trouvés dans le parc national de Zakouma. Les braconniers revendaient les défenses aux Chinois qui les attendaient de l’autre côté de la frontière soudanaise.

Photo Tous les Tchadiens du monde
Du brut déversé dans des trous à l´air libre à Ndjamena/Photo Tous les Tchadiens du monde

L’Afrique est un continent vaste,  mystérieux, mais très attirant aussi à cause de son sous-sol. Alors pourquoi laisse-t-on ces ressources se dilapider de la sorte par un partenaire ? Je n’ai rien contre la Chinafrique au contraire, j’aime la cuisine chinoise. Mais les autres chinoiseries qui nous étouffent, je dis bah, doit- il en être ainsi ?

J´aurais aimé intituler mon billet douloureuse coopération, car c’en est vraiment une !


Dis-moi quel animal tu es, je te dirai quelle femme tu fais

Une chaîne est une chaîne même dorée/Photo
Une chaîne est une chaîne même dorée/Photo Rendodjo.

Ce billet est le premier tandem –si je peux le nommer- ainsi que je réalise avec René Mouna, mondoblogueuse tchadienne, après à une publication qu’elle a faite sur Facebook et qui m’a fort intéressée : en Afrique, il arrive de donner des noms d’animaux à des femmes selon leur comportement.

Oui, Faty la malienne a raison, ceci est mon premier billet commun avec une mondoblogueuse. Tout est parti d´un fait qui aurait été banal si cela ne m´a pas interpellée. Je suis allée rendre visite à une famille amie à la mienne. Le fils aîné rentré des études est venu lui aussi dire le bonjour à ses parents. Au moment de partir, le père le bénit en ces termes :  « Mon fils, que Dieu te donne une femme-mouton ». Le fils transformé par l´école des Blancs demande à son père avec un air ébahi : « C’est quoi une femme-mouton papa ? », et la mère tout calmement de répondre :  «Oui mon fils, ton père a raison. Il te faut une femme-mouton qui te sera soumise, car une femme cabri est très indocile ». J’aurais pouffé de rire si je ne connaissais pas l’état de santé mentale de la famille. Je ne pouvais imaginer que de grandes personnes raisonnables, respectées et saines d’esprit que je connais tiennent de tels discours dans leur intimité.

Une femme dans la conception traditionnelle de l’Africain et du Tchadien doit être le mouton de Noël ou de Tabaski qui subit coups, injures, injustices et inégalités sociales sans broncher pour dire qu’elle est brave d’où le sens même de l´excision (endurcir sans crier ni pleurer). Elle doit être le mouton du Nouvel An qui suit son maître qui lui dicte ses humeurs, humours, lui sert ses caprices qu’elle, en bonne femme, assumera sans répondre. Elle doit accepter les infidélités du mari-dieu sans demander les explications avec la sagesse d’une femme respectueuse. Elle doit bon gré mal gré en bonne femme-mouton se plier aux exigences malsaines de la belle-famille qui fait la pluie et le beau temps dans son foyer, la réprimande pour un rien, se plier et avaler leurs messes basses.

Dépassée, je postais la phrase sur mon Facebook. L´article a ainsi germé

Faty répondit en premier avec bien d’autres noms d’animaux que jusque-là je ne pouvais imaginer qu´on puisse l’attribuer à la femme ; cet être sensible et plein de douceur. Selon Faty, la femme joue un rôle important dans la société africaine. Si dans certaines de nos contrées, elle jouit d’un respect, dans d’autres, nous remarquons surtout un comportement réducteur à la maternité et au mariage. Au Mali, la place et le concept du rôle de la femme dans la société dépendent fortement de l’ethnie, n’empêche, ces sobriquets peu glorieux sont présents un peu partout. Ils sont présents parfois dans les langues, certaines femmes même les utilisent contre d’autres femmes, sans se rendre compte qu’une généralisation est fort facile. Elle raconte :

« Mon plus lointain souvenir sur le sujet remonte au Niger et à un prêcheur- dont j’ai oublié le nom- qui parlait de l’importance du choix d’une campagne est délicat pour un homme, car il affirmait « le meilleur  « objet » qu’un homme puisse posséder est sa femme, le pire est aussi sa femme ». Il conseillait ainsi de prêter attention au choix et  comme indication il donnait les types de femmes qu’on rencontre en se donnant des noms d’animaux.

–            La femme-chèvre  est cette dernière qui parle haut

–            L’ânesse celle  qui n’avancera qu’avec le bâton

–            La chienne  est une femme dévergondée qui appartient à tous les hommes et qui te trompera toujours

–            La poule est cette ingrate qui ne sera jamais satisfaite

–            La  femme-mouton toujours docile

Mon premier réflexe a été de me renseigner sur la véracité de ces propos une fois rapportés à l’islam. Je suis enseignante dans un institut de formation de maitre franco-arabe.  Même si je fais l’objet de discrimination de la part de certains de mes collègues par ma seule présence dans leur salle de profs, je peux me vanter de disposer d’un chapelet de connaisseurs de l’islam qui répondent aisément à mes questions sur l’islam.

La femme dans les religions monothéistes

J’ai choisi le plus démocrate parmi eux, mon ami et collègue Youssouf Mossa, professeur de littérature qui est également imam d’une mosquée à l’hippodrome (un quartier de Bamako) en plus d’être aussi blogueur.

–              «  Youssouf, est qu’on traite la femme de noms d’animaux dans le coran ? »

–              «  NON !, la femme est fortement  respectée dans le Coran. Ce respect est tel qu’on ne donne même pas son prénom que lorsque c’est fortement nécessaire. Pour protéger son honneur. Dans beaucoup de cas, tu remarqueras qu’on écrit « une femme », pas parce que le nom n’était pas connu, mais par respect.  Ce n’est que lorsque c’est extrêmement nécessaire et en bon exemple qu’on donne les noms comme celui de Aïcha (la femme du prophète Mohamed, paix et salut sur lui) ou Mariam (Marie, la mère de Jésus). Elle ne peut être confondue ou traitée par un nom d’animal.

Faty a raison de chercher la place de la femme dans le monde croyant. Il est vrai que la religion accorde une place importante à la femme, et ce, depuis la création avec Eve comme l’aide semblable à Adam. Cependant beaucoup d´hommes aujourd’hui se basent sur les livres religieux pour assujettir la femme. Même les chrétiens ne s’en privent pas. Leur verset favori est « femme soit soumise à ton mari (… ) » et aucun homme ne va jusqu’à fin de ce verset qui recommande à l’homme de respecter et d’aimer sa femme au point de pouvoir se sacrifier pour elle. Que c’est merveilleux de lire sa Bible ou son Coran avec un ciseau en main. Les textes deviennent des prétextes et la soumission de la femme un devoir religieux.

Au final, il  faudrait juste comprendre que ces comparaisons animalières viennent surtout de la tradition africaine. Que dis-je ? Pas seulement africaine, ces expressions sont présentes aussi dans la langue française.

–              La grue n’est-elle pas une prostituée?

–              La  bécasse = une  sotte, nigaude, véritable buse (encore un autre animal)

 

 

 


Du football à la cuisine chinoise : le parcours d´un chercheur du meilleur

 

Une causette et un verre/ Credit photo Rendodjo
Une causette et un verre/ Credit photo Rendodjo

Stephan Attah est un jeune Ghanéen venu à la rencontre d´un monde nouveau. Il avait espéré faire de son rêve une réalité : tout petit il voulait devenir un footballeur professionnel. Il débarque donc en Allemagne par un matin d´été en quête de son Eldorado. La vie lui sourit avant que tout ne bascule par une soirée hivernale.

Je crois que  j´ai un petit faible pour la cuisine chinoise parce qu´il y´a quelque chose en elle qui attire mon palais. Peut-être son côté moins cher qui est une aubaine pour tout porte-monnaie. En fait, je n´en sait pas trop mais une chose est sûre, j´aime la gastronomie chinoise. Cet amour guide toujours mes pas vers tout restaurant chinois qui se trouve sur ma trajectoire. Je m´en délecte toujours sans arrière-pensée, sans me poser de questions jusqu’à ce qu´un soir, un dessert m´interpelle : la bouillie de tapioca au lait de coco. Le serveur me rassura sans trop me convaincre que c´était bien un mets asiatique et chinois. À la première bouchée je réalise qu´il s´agit bien d´un goût africain. Je presse tant le serveur de questions qu´il finit par m´avouer que le cuisinier est un Africain. Eurêka! Je l´avais su. Ce petit instinct qui nous dicte toujours le flair. Stephan le cuisinier se montra donc à moi, avec  l´accord de son chef, le temps d´une causette. Et comme tous les Africains qui se croisent en Allemagne (Les Africains de Paris se frottent sans se saluer il paraît), nous voici en train de nous raconter comment chacun est arrivé ici.

Stephan a  posé sa valise au nord de l´Allemagne un jour d´été et s´était dit que les rayons de ce soleil estival illumineront à jamais sa vie. De petits boulots en training, il fut découvert par un sélectionneur grâce auquel il sera admis dans la Oberligua Oldenburg. Se voyant au bout de ses rêves, il fit venir du Ghana sa femme et son fils. Tout allait bien jusqu’à ce qu´un jour, sa femme décida de l´abandonner. Elle divorça et partit. Les raisons de cette séparation, Stephan ne veut pas en parler. J´ai osé demander et pour toute réponse, il baissa la tête et inspira profondément. Certainement une histoire douloureuse car ce divorce changea le cours de sa vie. Il partit de la ville tout en quittant la ligue pour se retrouver à Bremen. « Comment vivre dans un même environnement avec quelqu’un qui a joué avec nos sentiment pour finir par nous briser nous-même ? »

L´histoire de Stephan est commune à celle de bien de jeunes Africains. Certains finissent par perdre espoir mais Stephan l´homme des superlatifs comme il se définit lui-même garde toujours espoir de trouver un meilleur emploi. Peut-être renouera-t-il avec son premier amour le football ? Il n´exclut rien pour l´instant. En attendant, on s´est bien régalé de ses mets.

 

 


Tchad; Levée de fond contre un jugement liberticide

Alors que le monde célébrait le blogday, le Tchad condamnait un blogueur et deux journalistes à des peines de sursis avec une amende d´un million que doit payer Avenir de la Tchiré. Une consternation pour les lecteurs nationaux de son hebdomadaire Abba Gardi car, un million ce sont beaucoup d´argent pour une entreprise de presse tchadienne. Mais la diaspora tchadienne vient d´initier une quête pour payer la somme qu´exige la justice. Un acte contre la justice tchadienne qui devient de plus en plus liberticide. Nous avons rencontré l´initiateur de la quête, l´artiste et l´auteur-compositeur Kaar Kaas Sonn.

Relévé bancaire du Compte abritant la quête/ Ph KKS
Relévé bancaire du Compte abritant la quête/ Ph KKS

1- Kaar Kaas Sonn, comment vous portez-vous aujourd’hui après votre grève de faim et surtout après la libération des journalistes pour qui, vous avez observé cette grève?

Bonjour et merci!

Je me porte très bien après l’épreuve de la grève de la faim. C’est l’occasion de remercier toutes celles et tous ceux qui se sont sentis concernés par ce geste de désespoir et m’ont apporté leur soutien !

Par ailleurs, je suis soulagé, en partie, de la libération des journalistes. Soulagé en partie seulement, car le sursis est une vraie menace contre la liberté d’expression, une épée de Damoclès qui pend au-dessus de la tête des acteurs de l’information. En analysant ce sursis au regard des chefs d’inculpation -« complot d’atteinte à l’ordre public n’ayant pas abouti », « diffamation », etc.-  cela trahit expressément la volonté des autorités d’intimider les journalistes. C’est aussi une manière détournée d’imposer l’autocensure aux journalistes. Cela est inacceptable et n’est possible que dans un système de tyrannie. J’emboîte le pas à ceux qui demandent aux autorités d’abandonner toutes les charges contre les journalistes ainsi que l’annulation de l’amende, qui n’est qu’un autre moyen d’affaiblir un journal qui éprouve déjà des difficultés pour survivre.

Enfin, c’est un contresens à ce que le président de la république lui-même prétend mettre en place en matière de démocratie. Il n’échappera à personne que des journalistes et des opposants mis en prison n’est nullement l’apanage des démocraties. Ou alors, il cautionne ce recul et l’effacement de ses propres efforts pour construire des institutions démocratiques au Tchad. Vous remarquerez que depuis quelques temps, le Tchad recule en matière de liberté de la presse. À moins d’accepter le principe qu’il n’y a qu’au Tchad où l’on avance en reculant!

Pensez-vous que le peuple tchadien est assez mature aujourd’hui pour participer activement à cette levée de fonds? Quel message voulez-vous d´ailleurs transmettre par cette action?

Aucun peuple n’est plus mâture qu’un autre. Il se trouve que nous n’avions pas eu des Gandhi, des Mandela au Tchad pour nous donner le courage et l’envie de faire des choses positives. Dès l’indépendance, nos dirigeants avaient clairement choisi la querelle -peut-être pour masquer quelque scrupule- au lieu de la construction de la paix. Et cet héritage, très lourd, est un vrai boulet pour nous. Il est tellement omniprésent et gouverne presque tous nos gestes. Or, les Tchadiens sont un peuple chaleureux, valeureux et hospitalier et parfaitement en mesure de participer à une telle action. Il faut savoir que ce sont des Tchadiens eux-mêmes qui ont suggéré l’idée de collecter les fonds pour soutenir la liberté d’expression. C’est peut-être du jamais vu, mais les circonstances forgent les hommes et cela est hautement appréciable.

Oui, des Tchadiens apportent aujourd’hui leur contribution à ce fonds ; je les en remercie infiniment. N’oubliez pas que des initiatives de ce genre ne sont pas souvent relayées et restent dans l’ombre. Souvenez-vous que lorsque de Gaulle allait se cacher en Angleterre pour lancer l’appel du 18 juin contre les occupants allemands, il ne faisait pas l’unanimité. Mais cet embryon de résistance à réussi à donner ce que l’on sait. C’est la foi à la liberté qu’il s’agit de défendre ; c’est une valeur que tout homme épris d’amour, de paix et de lucidité porte en lui. La liberté, c’est ce qui fait la beauté et la bonté de l’Homme. Comme disait Mandela « un homme qui prive un autre homme de sa liberté est prisonnier de la haine, des préjugés et de l’étroitesse d’esprit »

La portée, la signification de cette collecte, c’est de dire aussi -avec les mots du discours de Mandela de 1994- que « aucun de nous, en agissant seul, ne peut atteindre le succès ». Et que si la liberté est respectée au Tchad, c’est un succès, une victoire de tous.

Kaar Kaas Sonn, vous êtes aussi citoyen français, quels sont vos rapports avec le Tchad votre pays d´origine?

Je suis très attaché au Tchad. C’est pourquoi tout ce qui est de nature à écorner l’image de ce pays me touche éperdument.

KKS

Ne craignez-vous pas des représailles en réponse à votre engagement?

Dire que je ne crains pas ce type de représailles serait mentir et inconscient. Mais il s’agit d’un combat pour la liberté et non pas un combat contre quelqu’un. C’est une lutte positive. L’histoire montre que s’en prendre à quelqu’un qui se bat pour une cause juste ne fait que renforcer la cause pour laquelle il se bat. Rappelez-vous de Jésus, de Gandhi, de Mandela. Toutes ces figures défendaient une cause juste. Les représailles sur eux n’ont eu qu’un seul effet, les rendre universels, intemporels.

Vous êtes écrivain et chanteur, auteur-compositeur, quel accueil ont vos oeuvres au Tchad? Personnellement je n´ai lu aucun de vos livres.

Je ne sais pas ce qu’on fait de mes livres au Tchad, la lecture n’est pas une culture chez nous. Pour ce qui est de la musique, rares sont les radios qui la diffusent. Le système mis en place au Tchad depuis 23 ans fonctionne en affamant ceux qui parlent. Du coup, les gens ne cherchent qu’à manger en se plaçant clairement dans le sillage de l’orientation des pouvoirs politiques, en suivant l’adage « la bouche qui mange ne parle pas »! Ne soyez pas étonnés si la seule info qu’on diffuse sur la radio c’est « Le président de la république » ; il va sans dire que des voix discordantes ne soient pas bienvenues. Mais cela ne m’impressionne guère. La dernière fois que j’étais au Tchad, en 2011, cela me rappelait étrangement la période Habré. Où le pays entier était devenu une sorte de grande chorale qui diffuse les louanges du président de la république, les chefs de chorale étant les ministres de la république. Où les gens sont devenus délateurs pour le compte de la police politique. Or, je continue d’écrire. Pour témoigner de mon époque. Pour capter ces moments afin de les figer dans des pages et sur des disques pour la postérité.

Vous êtes un enseignant extrêmement qualifié, or l´école tchadienne se porte très mal aujourd’hui. Les principaux acteurs se rejettent mutuellement le tort. Où se trouve le mal? À qui la faute?

Petit rappel , je ne suis pas issu du corps enseignant. J’ai fait des études administratives et techniques. Il va sans dire que mon analyse de l’école tchadienne ne sera pas totalement objective.

La faute est partagée. Les Tchadiens sont en grande partie responsables que ce qui arrive à l’éducation nationale. Tout silence est une prise de position dans cette question. Il y a sûrement des gens qui savent et ne disent rien en laissant faire.

La première difficulté est d’ordre institutionnel. On a l’impression que rien n’est préparé et que les choses se passent sans préparation ; surtout sans suivi. Comme la bonne ou mauvaise marche des affaires repose presque exclusivement sur l’épaule du chef de l’État, c’est possible que les choses ne fonctionnent pas comme il se doit. Par exemple, pour faire l’état des lieux de l’enseignement, on en appelle au chef de l’État. Ensuite, lorsque des recommandations et décisions issues de ces états des lieux sont actés, on demande encore au chef de l’État la possibilité de les appliquer. Les nominations ne prennent pas compte des compétences et les pesanteurs nocives du clientélisme n’y sont pas étrangères. Même l’école est politisée. Ce n’est pas normal.

Le second hic doit se trouver au niveau des programmes qui sont inadaptés au contexte socio-économique et culturel du Tchad. Nous apprenons la géographie de l’Urss, des Usa, du Japon, comme pour mieux nous mystifier. Les programmes de la colonisation doivent être remplacés, réadaptés. Quand vous trouvez aujourd’hui encore des séries A, C, D, G etc. cela craint. Qu’est-ce qui nous empêche d’adapter l’école à nos réalités d’aujourd’hui, de demain? Aux réalités d’un monde sans cesse changeant? Prenez par exemple les horaires de cours. Tout le monde sait qu’il fait très chaud au Tchad. Or, nous faisons des cours à 45 degré et plus. Comment peut-on être productif avec une telle chaleur. Nous pourrions par exemple faire commencer les cours un peu plus tôt le matin. Ou mettre les vacances scolaires entre avril et mai où il fait trop chaud, etc.

Un troisième écueil pourrait se trouver dans le non transfert des études. Voyez-vous, nous étudions à l’étranger des programmes propres aux pays dans lesquels ces études sont menées. Une fois de retour au pays, il n’y a pas une transformation, une adaptation de ces études au contexte local. Combien de Tchadiens rentrent avec une thèse rédigée à l’étranger et débarquent directement dans l’administration, en total déphasage avec la réalité du terrain? Peut-être que l’État pourrait exiger, avant toute nomination, une espèce de petite thèse de la thèse principale qui soit adaptée aux besoins du Tchad.

Une dernière difficulté à soulever ici est certainement le fait que des gens s’évertuent à aller apprendre des choses à l’école pendant que d’autres occupent des postes dans l’administration sans en avoir la moindre compétence, juste parce qu’ils sont pistonnés. Personne ne peut empêcher le piston, mais qu’on pistonne des gens compétents, le pays en bénéficierait. Tant que nommer une personne qui est de votre parti -le seul parti État qui existe!-, qui est votre parent, votre cousin restera la norme, on n’en sortira pas. Les pouvoirs politiques le savent. C’est pourquoi on peut légitimement dire que c’est un choix politique délibéré de laisser ces choses en l’état.

Avez-vous déjà pensé à apporter votre contribution pour pallier aux maux qui gangrènent le système éducatif tchadien?

Je n’ai aucun mandat officiel. Il se trouve simplement que je suis artiste et j’essaie par le canal des arts d’attirer l’attention sur ce qui ce fait au Tchad. Vu le niveau de politisation extrêmement médiocre -excusez le pléonasme!- du pays, on a l’impression que les Tchadiens ont clairement fait le choix de la médiocrité et pensent qu’un pays se développe juste en accumulant des diplômes, en construisant des infrastructures en tous genres, en nommant des gens par affinité. Un pays, ce n’est pas une famille, un village!

Je suis effaré de constater combien de grosses têtes tchadiennes il y a à travers le monde! Il suffirait de trouver le moyen de les impliquer dans la construction d’un système éducatif performant, en les mettant en contact avec les acteurs sur le terrain. Le Pnud, l’Unicef sont là pour donner le coup de pouce nécessaire.

Par ailleurs, j’ai fait des demandes pour intervenir à l’université mais je n’ai pas toujours une suite.

Le développement c’est le changement. Or tout changement est un risque. J’ai l’impression que nous avons peur de prendre le risque d’aller de l’avant et campons sur nos acquis parfaitement désuets.

Dans dix ans, ce que je viens de dire sera encore d’actualité! Ce n’est pas une prémonition, j’en conviens.


Je suis noire mais je suis belle

Teint1
Le prix, une injustice/ Ph Réndodjo
Teint2
Le double du prix des éclaircissants/Ph Réndodjo

Sur ce coup-ci, je ne peux me taire. Je ne fais pas l´éloge du bronzage. Je dénonce ces produits dépigmentants qui envahissent les boutiques et font monter les enchères sur les crèmes pour peaux noires. Je vous raconte mon malheur de femme qui veut conserver sa peau naturelle.

S´il y´a bien une chose qui me turlupine ces temps-ci, ces bien l´essor des produits dépigmentants qui ont la cote chez la femme noire. Il paraît que les Tchadiens sont noirs. Pas grave, même si je suis persuadée qu´on a plus de 30% de la population qui a une peau claire. Bon eux au moins ne l´ont pas grâce à l´eau de javel, et autres substances toxique de du marché Mokolo. Ils sont juste arabes, métissés ou consort. Ce qui est sûr le restant noir comme charbon comme nous taxe nos voisins de l´Ouest, aime son noir. Et moi avec. Donc voilà, je viens vous dire ma peine lorsqu´il s´agit de me trouver ma crème. J´ai dû souvent me pavaner d´une ville à une autre pour me la trouver, une gamme à base de karité d´une marque suisse. Cela m´a toujours coûté 9.99 Euro la boîte de 500ml. Aucune différence avec le prix sur le marché tchadien. Seulement le mois dernier j´ai décidé de faire mes emplettes. Je me trace mon chemin dans ce shop clair de monde. Je dis bien clair de femmes africaines que je dû me regarder trois fois moi l´unique noire de la boutique. Je me plante devant mon rayon habituel que je ne manque d´étouffer un cri. Désormais, mon Otentika me reviendrait à 15.90 Euro la boîte à prendre ou à laisser hein. On ne discute pas le prix dans un shop de cette classe. Je ramène l´une des vendeuses éthiopiennes qui dans un allemand anglicisé ne peut me dire le pourquoi. Madame pensant m´aider (puisque j´étais la seule dame foncée de sa boutique), me vante alors les merveilles de ces nouveautés et autres arrivages.

Les nouvelles gammes qui font In

Carotone, CaroMagic, Carowhite, softwhite, Organic beauty … Entre marketing réussi, ignorance et complexe de la femme africaine, tout passe. Je surprends alors la vendeuse qui bavarde depuis une demie heure pour me convaincre qu´Otentika noirci (c´est aujourd´hui qu´elle a compris que le Karité n´éclaircit pas), entrain de vouloir me vendre des crèmes à base de Carotène, ou plus précisément la Bêta-carotène, l´AHA ou l´acide lactique actuels ingrédients magiques de ces produits de beauté. Je ne manque de lui crier dessus que  la Bêta-carotène n’a jamais eu d’effet éclaircissant. Que ni l´AHA ou l´acide des fruits et l´acide lactique non plus ne blanchissent. Donc cette effet blanchissant est dû à l’hydroquinone caché bien sûr, une composante dangereuse interdite de vente  l’Union Européenne depuis 2001. Madame ignore que je sais que la Bêta-carotène a un effet bronzant et que les femmes, en été, la consomme sous toutes les formes pour forcer leur bronzage. Je compris d’ailleurs, qu´à dire vrai, dans la vie nous n´avons toujours pas le même problème. Les femmes européennes cherchent à se noircir un peu, se tapent des heures au solarium, ingurgitent des potions de carotènes et compagnies pour forcer leur production de mélanine pour le malheur de leur portemonnaie; si elles ne vident pas les rayons légumes de tous leurs stocks de carottes. Entretemps, les africaines, elles, abîment leurs peaux avec des produits cancérigènes. Toujours au coup de leur portefeuille.

S´il paraît que ce que femme veut, Dieu le veut, je demanderais volontiers au bon Dieu si cette fois-ci c´est son desir que la femme africaine rejette ainsi sa propre personne, ce qui la caractérise, cette peau d´ébène muse de nos grands poètes? J´en ai marre de cette dictature de la beauté des épidermes. Je grogne contre cette dictature de la dépigmentation et ce marketing qui profite de l´ignorance et du désir de séduire des femmes. Si rien ne se fait, j´entrerai en grève. Je retournerai à la source comme ma grand-mère. Un filet d´huile d´arachide ou de karité me suffirait tous les matins. Au moins le beurre de karité, il est moins cher et aucune femme n´en veut à l´état bio. Je me passerai aussi bien des commentaires de ma cousine qui est surprise de me revoir chaque année toujours noire moi une expat´ ou diaspora (noms désignant un Tchadien vivant en Europe). Je me taperais de ses soucis sur ma misère européenne. Il semble que le teint clair, tout comme la bonne mine, est un signe d´aisance matérielle chez le Tchadien. Moi, je suis noire et je suis belle. Est-ce de ma faute si le soleil m´a brûlé?

Titre inspiré du Cantiques des Cantiques 1 verset 5.