Dis-moi quel animal tu es, je te dirai quelle femme tu fais

Ce billet est le premier tandem –si je peux le nommer- ainsi que je réalise avec René Mouna, mondoblogueuse tchadienne, après à une publication qu’elle a faite sur Facebook et qui m’a fort intéressée : en Afrique, il arrive de donner des noms d’animaux à des femmes selon leur comportement.
Oui, Faty la malienne a raison, ceci est mon premier billet commun avec une mondoblogueuse. Tout est parti d´un fait qui aurait été banal si cela ne m´a pas interpellée. Je suis allée rendre visite à une famille amie à la mienne. Le fils aîné rentré des études est venu lui aussi dire le bonjour à ses parents. Au moment de partir, le père le bénit en ces termes : « Mon fils, que Dieu te donne une femme-mouton ». Le fils transformé par l´école des Blancs demande à son père avec un air ébahi : « C’est quoi une femme-mouton papa ? », et la mère tout calmement de répondre : «Oui mon fils, ton père a raison. Il te faut une femme-mouton qui te sera soumise, car une femme cabri est très indocile ». J’aurais pouffé de rire si je ne connaissais pas l’état de santé mentale de la famille. Je ne pouvais imaginer que de grandes personnes raisonnables, respectées et saines d’esprit que je connais tiennent de tels discours dans leur intimité.
Une femme dans la conception traditionnelle de l’Africain et du Tchadien doit être le mouton de Noël ou de Tabaski qui subit coups, injures, injustices et inégalités sociales sans broncher pour dire qu’elle est brave d’où le sens même de l´excision (endurcir sans crier ni pleurer). Elle doit être le mouton du Nouvel An qui suit son maître qui lui dicte ses humeurs, humours, lui sert ses caprices qu’elle, en bonne femme, assumera sans répondre. Elle doit accepter les infidélités du mari-dieu sans demander les explications avec la sagesse d’une femme respectueuse. Elle doit bon gré mal gré en bonne femme-mouton se plier aux exigences malsaines de la belle-famille qui fait la pluie et le beau temps dans son foyer, la réprimande pour un rien, se plier et avaler leurs messes basses.
Dépassée, je postais la phrase sur mon Facebook. L´article a ainsi germé
Faty répondit en premier avec bien d’autres noms d’animaux que jusque-là je ne pouvais imaginer qu´on puisse l’attribuer à la femme ; cet être sensible et plein de douceur. Selon Faty, la femme joue un rôle important dans la société africaine. Si dans certaines de nos contrées, elle jouit d’un respect, dans d’autres, nous remarquons surtout un comportement réducteur à la maternité et au mariage. Au Mali, la place et le concept du rôle de la femme dans la société dépendent fortement de l’ethnie, n’empêche, ces sobriquets peu glorieux sont présents un peu partout. Ils sont présents parfois dans les langues, certaines femmes même les utilisent contre d’autres femmes, sans se rendre compte qu’une généralisation est fort facile. Elle raconte :
« Mon plus lointain souvenir sur le sujet remonte au Niger et à un prêcheur- dont j’ai oublié le nom- qui parlait de l’importance du choix d’une campagne est délicat pour un homme, car il affirmait « le meilleur « objet » qu’un homme puisse posséder est sa femme, le pire est aussi sa femme ». Il conseillait ainsi de prêter attention au choix et comme indication il donnait les types de femmes qu’on rencontre en se donnant des noms d’animaux.
– La femme-chèvre est cette dernière qui parle haut
– L’ânesse celle qui n’avancera qu’avec le bâton
– La chienne est une femme dévergondée qui appartient à tous les hommes et qui te trompera toujours
– La poule est cette ingrate qui ne sera jamais satisfaite
– La femme-mouton toujours docile
Mon premier réflexe a été de me renseigner sur la véracité de ces propos une fois rapportés à l’islam. Je suis enseignante dans un institut de formation de maitre franco-arabe. Même si je fais l’objet de discrimination de la part de certains de mes collègues par ma seule présence dans leur salle de profs, je peux me vanter de disposer d’un chapelet de connaisseurs de l’islam qui répondent aisément à mes questions sur l’islam.
La femme dans les religions monothéistes
J’ai choisi le plus démocrate parmi eux, mon ami et collègue Youssouf Mossa, professeur de littérature qui est également imam d’une mosquée à l’hippodrome (un quartier de Bamako) en plus d’être aussi blogueur.
– « Youssouf, est qu’on traite la femme de noms d’animaux dans le coran ? »
– « NON !, la femme est fortement respectée dans le Coran. Ce respect est tel qu’on ne donne même pas son prénom que lorsque c’est fortement nécessaire. Pour protéger son honneur. Dans beaucoup de cas, tu remarqueras qu’on écrit « une femme », pas parce que le nom n’était pas connu, mais par respect. Ce n’est que lorsque c’est extrêmement nécessaire et en bon exemple qu’on donne les noms comme celui de Aïcha (la femme du prophète Mohamed, paix et salut sur lui) ou Mariam (Marie, la mère de Jésus). Elle ne peut être confondue ou traitée par un nom d’animal.
Faty a raison de chercher la place de la femme dans le monde croyant. Il est vrai que la religion accorde une place importante à la femme, et ce, depuis la création avec Eve comme l’aide semblable à Adam. Cependant beaucoup d´hommes aujourd’hui se basent sur les livres religieux pour assujettir la femme. Même les chrétiens ne s’en privent pas. Leur verset favori est « femme soit soumise à ton mari (… ) » et aucun homme ne va jusqu’à fin de ce verset qui recommande à l’homme de respecter et d’aimer sa femme au point de pouvoir se sacrifier pour elle. Que c’est merveilleux de lire sa Bible ou son Coran avec un ciseau en main. Les textes deviennent des prétextes et la soumission de la femme un devoir religieux.
Au final, il faudrait juste comprendre que ces comparaisons animalières viennent surtout de la tradition africaine. Que dis-je ? Pas seulement africaine, ces expressions sont présentes aussi dans la langue française.
– La grue n’est-elle pas une prostituée?
– La bécasse = une sotte, nigaude, véritable buse (encore un autre animal)
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