Quand ruines et taudis gonflent l´économie de l´Etat

28 octobre 2013

Quand ruines et taudis gonflent l´économie de l´Etat

Bairo Alto et ses anciennes maisons

Il y a un phénomène qui s´est passé et se passe encore sous mes cieux. Le déguerpissement. Phénomène d´urbanisation, d´agrandissement, de modernisation, d´aménagement, et que sais je. Je ne sais qui des dirigeants a eu l´idée. On rase des quartiers sur un critère connu seul par nos maires imposés sans l´avis des archéologues, les géologues, urbanistes, géographes, historiens et sociologues. La légende populaire raconte que la jalousie entre deux hommes pour une femme est devenue une affaire de clan et on a rasé Dembé qui est à présent le repaire des brigands coupe-gorge colombiens et le logis de tous les bandits et autres criminels et pickpockets.

J´écris aujourd´hui, car en visitant certains pays, je vois comment les vieilles baraques rapportent de l´argent. Parfois j´y ai aussi laissé passer mes maigres sous histoire de voir et me rendre compte à la fin que ce n´était pas si grand que ça ou si historique qu´on le croit. Il y´a trois semaines, j´ai payé pour voir les taudis comme  Chaido, Bairo Alto qui font Lisbonne. Des maisons ou des ponts  en ruine, parce qu´ayant résisté à un tremblement de terre. Je me suis arrêté devant des fondations des maisons non achevées, des maisons écroulées allant parfois me laisser photographier et souriant comme un niais. Puis un clic. Une lumière a jailli dans ma tête et je me suis dit :  si on n’avait pas rasé Gardolé pour un hôpital sans goût et sans architecture définie. Si on n´avait pas rasé Moursal, Mme Togui pour un commissariat actif qui s´accommode des voleurs au lieu de protéger la population. Je me dis si on n’avait pas détruit  tous ces vieux quartiers, je me serais faite guide pour touristes racontant les épopées de mes ancêtres les Sao et leur arrière-grand-père Toumaï. Bla bla bla Toumai a fait ci, bla bla bla Sao a fait ça. Là, c´est le tombeau du fils de Mbang Gaourang avec la reine Maijenesaisquoi, de l´autre côté le château en ruine du fils adultérin de la reine de Midi avec le roi Sao qu´ils ont caché pour ne pas s´attirer la colère de la reine mère. Au Nord de là, le tombeau de Brahim Seid et, etc. J´aurais eu un job de rêve ; beaucoup d´argent pour peu de travail. Les touristes laissent souvent de gros pourboires pour un mensonge bien concocté.

Voyez-vous tout ce qu´on aurait pu faire de nos taudis d´Amriguébé, de Ngueli, Sabangali, Chagoua et tout le reste ? Et ce n´est pas tout. Mon petit frère aurait pu vendre aux touristes des pacotilles soi-disant des bracelets des reines Oumé, Maidjouré. Ma grande serait restauratrice et proposerait le bouillon des chasseurs. Bouillons que prenaient les Sao avant la saison des chasses. Mon père se déguiserait en ancien garde du palais royal du royaume Kanembou pour compléter sa petite pension de retraité tchadien. Je sais que ma mère se réjouirait d´arrondir ses fins de mois et préparer sa prochaine retraite en économisant un peu. Elle jouera la prêtresse du temple des rois du Ouaddaï.

Vous voyez ce qu´on aurait pu faire avec tous ces taudis qu´on a rasés ? Ce billet sert donc de plaidoyer pour tous ces autres quartiers déguerpissables qui portent des croix blanches du cadastre. Ces futurs déguerpis d´Atrone, d´Habéna, d´Atrone ou Kamda. On peut moderniser une ville, l´embellir sans devoir casser, raser , déboiser. Au contraire on peut utiliser chaque composante, en tirer profit pour l´économie. On aurait investi l´argent pris sur les entrées des sites pour les entretenir ou construire la ville. Il nul besoin d´être sorcier pour avoir une suite dans les idées. Voilà, c´est que je peux après ce billet être une bonne conseillère au ministère du Tourisme, développement urbain ou à l´aménagement du territoire. Et si après lecture de ce billet on ne revoit pas la politique du déguerpissement. Je dirai que nul ne veut le bien de la population tchadienne.

Voilà, j´ai parlé.

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Commentaires

Ahmat Zéïdane Bichara
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Réndodjo Em-A Moundona,si ceux qui ne te connaissent pas te lisent pour te connaître et surtout s'informer. Moi,te lire est devenu une passion et je trouve mon bonheur à déchirer les jonglages de tes mots et tes mélanges d'épices entre la sauce tchadienne,germanique et français.Une réconciliation littéraire d'après deuxième guerre mondiale. Un style d'écriture nouveau avec des origines tripartites. Tout rentre dans une seule vision où ton lecteur est à la fois l'acteur,le metteur en scène,la victime et le coupable. Oui,tu abordes là un sujet très important que peu des journalistes et blogueurs l'ont dans la tête,mais ne savent pas par où commencer. Bravo pour toi et bravo pour Radio France Universelle(RFU) ou Radio France internationale(RFI.

Réndodjo Em-A Moundona
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Merci pour le Atalakou comme disent mes amis Ivoiriens. Tu me mets en haut ;-) Je tire la sonnette d'alarme avant que nos sites historiques ne disparaissent. Mes respects Ahmat.