Je suis tchadien et je suis hospitalier

24 juin 2013

Je suis tchadien et je suis hospitalier

2003-2013, il y a de cela dix ans que les premiers réfugiés Darfouris fuyant les Janjawid arrivaient au Tchad. Dix ans qu’ils sont là et se sont intégrés dans la société tchadienne. Et ça fait exactement aujourd’hui cinq ans que je mettais les pieds pour la première fois, dans l’un de leurs camps à l’Est du Tchad. Le camp de Gaga. Je veux avoir ici une pensée pour ces hommes, ces femmes et ces enfants qui, sans leur vouloir se sont retrouvés loin de chez eux.

Que le titre ne vous trompe pas. Je ne suis pas douée en publicité, je veux juste dire ceci : le Tchad n’est pas seulement cet Etat gendarme et pyromane, comme on le taxe souvent, prêt à envoyer ses mercenaires partout semer la terreur. C’est aussi un pays hospitalier où, il fait aussi bon vivre. La preuve ce sont les nombreux réfugiés que nous accueillons depuis plus des décennies tant au Sud qu’à l’Est du Pays. Le Tchad, ce sont quand même 1 284 000 km2 pour juste 12 millions d’habitants. De la place on en a donc et on la partage avec ceux qui souffrent. Et leur intégration est une réussite car il n’y a pas assez de problème avec la population locale et certains ont même pu avoir de la terre pour faire l’agriculture dans certains villages. Je me rappelle encore comme si c’était hier de Mariam, cette réfugiée qui m’a offert en cadeau il y a cinq ans, les feuilles de manioc cueillies dans son jardin potager. Elle venait, il y a à l’époque trois ans, d’un village du Darfour. Elle était une cultivatrice. Des cas de xénophobie de la part des tchadiens ? «Non, pas du tout étant donné que ces des gens qui sont unis par l’histoire certains ethnie des réfugiés se retrouvent également ici au Tchad même si sa existe c’est des cas rares,» me confirme un ami travaillant pour le PAM à Abéché, cette ville qui sert de base aux ONG travaillant dans ces camps.

Cette entente n’empêche tout de même pas que les populations locales se demandent si ces réfugiés de guerre envisagent-ils un jour rentrer chez eux. Ces derniers estiment qu’un retour est possible. La vision de beaucoup d’ONG, chacune dans son domaine d’intervention, est de faire ce qu’elles peuvent pour ces réfugiés sauf que, les ressources se tarissent peu à peu. Et avec la proclamation à la République du Soudan du Sud, l’espoir d’un retour possible est grandissant – et d’ailleurs c’est leur souhait de parvenir un jour repartir chez eux à condition que la situation sécuritaire soit garantie. Une sécurité qui est hypothétique dans la mesure où, la fin des conflits dans cette région n’est pas pour demain.

La situation socio-économique n’est pas toujours facile car n’ayant pas des activités de grande envergure, tout de même quelques ménages se débrouillent avec l’aide des ONG pour développer les activités génératrice de revenue à petite échelle. En effet, dans les camps, il y a des marchés tenus par les réfugiés eux-mêmes. Ils y vendaient du tout jusqu’au mets soudanais. J’ai eu la chance de manger le foie grillé saupoudré de la poudre des lentilles dans le restaurant de Moussa. Ce sont donc des hommes et des femmes qui reprennent goût à la vie après avoir tout perdu. Ils ont le sourire malgré tout. Mais rien n’est gagné d’avance.

Je me souviens encore de ces petits êtres frêles qui, au détour de la ruelle poussiéreuse qui tenait lieu d’axe principal du camp, agitaient les mains tout en criant Aféeeeeee, Afé Kourna. Je revois encore, après cinq ans aujourd’hui, cette lumière au fond des yeux du petit Nouri. Son rêve d’être un jour un médecin ou un grand journaliste-reporter. Et je crois qu’au fond de moi, j’aurais bien voulu savoir ce qu’il est devenu et lui redire Afé Kourna (« salutations » dans la langue darfourie, se traduit aussi comme la paix ou le souhait du meilleur à quelqu’un).

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