Réndodjo Em-A Moundona

Et si l’enfer sur terre a existé…

Quiconque ne se souvient point de l´histoire est condamné à la revivre de nouveau. Je suis arrivée à Auschwitz par un élan de curiosité, j´y repartirai par devoir de mémoire.

 Camp de concentration

« Arbeit macht frei »

Les trois camps avec leurs fils barbelés à haute voltage, leurs miradors et les cheminées des fours crématoires, les blocs d´expériences médicales… Tout est là et témoigne de l´horreur que les déportés ont vécu. Dans mes souvenirs d´enfance, la guerre mondiale se rattache aux anciens combattants et leurs décorations alignées sur leurs tenues usagées. À ma tante et ses nombreuses passages dans la capitale pour retirer la pension des anciens combattants, cette compensation donnée aux veuves et orphelins des tirailleurs africains. Quand j’étais au lycée, j’ai appris l’histoire de la guerre sous le prisme français. Je connaissais alors la version des alliés vainqueurs de la guerre. Depuis deux ans et demi, je connaissais une autre version, la version allemande. Celle teintée des interdits et des retenues avec son corollaire de mots étouffés, des attitudes à éviter. Une version saupoudrée de culpabilité et de repentance. J´eus assez du politiquement correct. Il me fallait voir Auschwitz pour me faire ma propre idée. Je partis!

Valises

Mais c´est au sein du musée que la réalité insaisissable jusque là saute à l´oeil. Derrière les vitres, un tas de chaussures; là des peignes, des boîtes à cirage, des lunettes aux montures rouillées, un amoncellement de valises portant le nom et ladresse de leurs propriétaires: Marta Kafka, Vienne. Un monticule de cheveux de juifs rasés, destinés à une usine de textiles pour la fabrication de tissus. Plus loin, de ballot d´étoffes, rêche dont le temps y a laissé ses empreintes jaune-brun. Des habits de nourrissons. Voilà ce qui ébranla mon cœur de femme. On se demande «quel est ce Dieu qui a pu laisser faire?»


Fours Crématoire
La chambre à gaz et son lugubre joyau

les deux fours crématoires. Ici, 1000 personnes furent gazéifiées (Ph Rene Mouna)


Mais la goutte qui fit déborder le vase c´était, la chambre à gaz. Devant moi, les deux fours crématoires. Tel qu´ils étaient dans mon livre d´histoire de troisième. Sans un trucage quelconque. Comment garder le silence imposé dans ce lieu en mémoire des milles victimes gazéifiées? Immortaliser ce que je vis, le plaquer sous le nez du premier de ces nationalistes qui tenterait encore le déni d´histoire en criant à la manipulation contre sa chère Allemagne. Tête baissée, je sortis en silence de la chambre à gaz. Je n´ai plus de mot. Non, Auschwitz ne pourrait être décrit. Aucun mot n´est assez fort, assez exact et, assez juste pour dépeindre l´horreur dont on voit encore les traces. Je ne peux aujourd´hui que dire, si l´enfer sur terre a existé, Auschwitz en serait le pandémonium.


L’Azawad en trois points

 

Dr Fagaye Sissoko

Depuis la crise malienne, je n´ai pu avoir un éclaircissement concret de la part d´un natif en dehors de ceux qu’on entend dans les médias dont les Sanogo et consort. Je me suis bien posé la question de savoir s´il n´y avait pas un intellectuel malien avec une position neutre qui pourrait enfin éclaircir ma lanterne. Eh bien, ce fut fait ce mardi 30 octobre 2012 à 20 heures au restaurant Soulfood à Göttingen.

Dans une ambiance conviviale avec une carte de menu africaine à l´appui. «Le conflit entre Touaregs, rebelles salafistes et djihadistes au Mali : nouveau conflit, vieille querelle» fut le thème de l´exposé présenté par le Dr Ibrahim Fagaye Sissoko. Du contexte historique de la crise sahélo-malienne, du diagnostic de l´actuel conflit aux perspectives d´une probable intervention militaire de la communauté internationale, jamais je n´ai entendu avec autant de passion l´explication de la crise de ce qui serait dans un futur proche le prochain Afrikhanistan si, aucune intervention adéquate et ciblée n´est fait. Surtout qu’au Mali, la population n’a  du mal à accepter ces différents groupes qui opèrent dans le Nord.

1- Les Touaregs sont une population d´environ 300 000 âmes au Mali. En 1973, une sécheresse frappa la région touarègue. Une aide sera envoyée mais détournée. Cette injustice sonna le déclic de la révolution d’un peuple qui avait eu du mal à cohabiter avec une population noire comme concitoyen. Dans la société touarègue, le noir appartient à la dernière caste.

2- Selon le Dr Ibrahim Fagaye Sissoko, le mot ‘Azawad’ désigne une petite colline qui sert souvent de repère dans le désert. Il n’aurait donc aucune liaison socio-historico-culturelle Entre le nom Azawad et une revendication territoriale. Les Touaregs ont gagné du terrain et une certaine légitimité lorsqu’Amani Toumani Touré croyant bien faire a reçu leurs mercenaires venant de la Lybie. Son intention de les désarmer et les réinsérer dans l’Armée malienne échoua.

3- Oui, une intervention militaire internationale est plausible. Les maliens aujourd’hui comme peuple n’attend que cela. Reste à trouver une armée tenace qui pourrait s’adapter aux conditions climatiques sahéliennes. Les regards du conférencier se tourne bien entendu vers le Tchad car ayant une expérience avec les techniques de combat acquises (la libération de la bande d’Aouzou où le Tchad vainquît l’Armée libyenne NDLR). Le Dr I. F. Sissoko approuve tout de même qu’il faudrait une logistique de qualité.

Un cri de cœur de plus envers la Communauté Internationale qui tergiverse sur la question. 


Obama, le charme et la force de l´argument

Le triomphe

Un taux de chômage à la baisse, une couverture santé  et la liquidation d´Ossama Ben Laden serait la raison de sa réélection. Soit. Mais la réélection d´Obama est une certitude qui ne pouvait échapper qu´à ceux qui jusqu´ici ne voulait voir les compétences de l´homme. Voici quelques extraits du discours ce soir du 6 novembre 2012 qui laisse entrevoir les 7 qualités du politique qu´il est.

L´éloquence. «Peu importe qui vous êtes, qui vous aimez, où vous vivez, que  vous soyez blanc ou noir ou hispanique, riche ou pauvre, gay ou hétéro, jeune ou vieux… Ce n’est pas ce qui importe.  Nous pouvons prendre en main notre futur ensemble. Il ne s’agit pas d’être bleu ou rouge. Nous sommes les Etats-Unis d’Amérique !» Quelle rhétorique de la part de cet homme, me suis-je dis. C´est d´une rare éloquence qu´il dit toujours ses pensées. Comment ne pas alors convaincre même les plus incrédules ?

Le pragmatisme. «Avec les droits viennent des responsabilités : l’amour, la générosité, le patriotisme…C’est ce qui rend l’Amérique tellement grande

Le fair-play et le charme: «J’ai salué le gouverneur Romney et Paul Ryan et je les ai félicités pour leur campagne. Je veux remercier l’homme sans qui tout cela n’aurait pas été possible (Joe Biden). Et je veux remercier la femme sans qui je ne serai pas l’homme que je suis devenu. Michelle je t’aime. Je ne t’ai jamais autant aimé et j’ai regardé la nation tombée amoureuse de toi dans cette campagne…»  En ce moment j´ai souhaité être à la place de la First lady juste pour ces petites secondes. Jamais un homme n´aurait adulé sa femme ainsi et en public. Sauf dans les romans anglais à l´eau rose. L´homme a aussi un charme. Et ce charme a conquis non seulement l´Amérique mais, le monde entier.

« Obama got Ossama »

La sincérité. Même si elle est une vertu qu´on accorde à très peu de politiques : «Nous sommes aujourd’hui d’une décennie de guerres » a déclaré Obama. Oui la facette guerrière de Barack Obama qui lui a valu ce surnom de seigneur des drones. Bien qu´il assume cette image il est évident qu´il n´avait le choix au vu du merdier qu´il hérita de Georges W Bush il y´a quatre ans. Soit il faisait cette guerre ou il la subissait. Il a fait le choix qui s´imposait.

L´audace et l´optimisme. « Durant cette élection, nous nous sommes souvenus à quel point cela avait été dur d’arriver jusqu’ici. Nous avons lutté pour l’Amérique. Le meilleur est à venir.» Ceci est la personne qui me plaît en Obama. Lucky are you American people!


Tu ne parleras jamais assez ma langue

Photo web afrochild.wordpress.com

 

Mais vraiment quoi, il y´a des personnes dans ce bas monde qui ont de la foutaise comme on le dit chez nous en Afrique. Ils se croient tout permis parce que tu ne les ressembles pas. Pour dire clair, ils pensent qu´ils peuvent tous se permettre parce que tu es noir. Alors mais vraiment tout te dire parce que tu es si noir jusqu’au cerveau ; s´ils ne vont pas penser que ta boulette crânienne est aussi cramé. Tous les raisons sont bonnes, ils ne se gênent en plus pas. Les nègres ils sont bon pour être corvéable, taillader les mains à sang à frotter, cirer et que sais-je encore le fond des toilettes, des parquets… un noir dans un bureau bien chauffé ? Non cela fait unfair.

Ici, l´Allemand il se croit trop malin. La phrase la plus célèbre que mes oreilles n´ont jamais entendu dans ce pays, quand on veut te refuser un job, c´est : « es hat nicht mit dir zut un, nimmt das nicht persönnlich ». Entendez par là, cela n´a rien à voir avec toi (ou sous-entendu ta couleur qui le dérange). Et la raison de pareille ânerie il y´en a parfois véritablement pas. Soit :

– un veut se la jouer de toi

– tu vis directement un cas de discrimination, Si tu ne subis pas en cas de figure ce j´appelle le soft racisme.

Et on pense le plus souvent que :

–          tu es bête. Dans ce cas de figure joue le jeu et tu verras ce visage radieux, triomphant d´avoir vu juste.

–          tu ne penses jamais assez pour comprendre ses niaiseries.

Je me souviens de cet entretien d´embauche. Je vous épargne les détails. Mais sachez que la jeune femme africaine a eu en lieu et place d´un entretien, le loisir d´écouter des commentaires sur son niveau de langue. Un autre diplômé a dû entendre : «vous avez le parfait profil et votre CV est assez riche. Mais nous pensons que vous ne serez pas la bonne personne pour le poste. Cela n´a rien à voir avec vous, ne le prenez pas personnellement. On préfèrerait celui qui maîtrise la langue». Comme si on étudiait dans les écoles allemandes en français et Cie.

Même dans les choses de Dieu, il faut un casting qui finissent toujours par ces phrases : «Mmmm, écoute hein, tu peux chanter. Mais on se dit que le niveau ici est plus élevé pour toi. Et puis on a l´impression que tu as des problèmes d´expression de prononciation et ton niveau en Anglais, … Ne voudrais-tu pas venir dans cette chorale-là à El…? Ecoute cela n´a rien à voir avec toi, ne le prend pas personnellement» fin de citation. Deux jours après lui, se présente une africaine anglophone pour le même casting. Ne me demander pas la suite. Tout ce que je sais, elle n´a pas intégré ce groupe.

Problème de prononciation, problème de compréhension, maîtrise de la langue et puis quoi encore, tchiiippp. C´est bien amusant tous ces arguments quand on sait que certaines personnes doivent supporter des collègues inefficaces, peu ou à pas formés, des russes et polonais qui parlent à peine l´Allemand avec d´extrêmes accents russophones. Et après, ils sont les premiers à crier qu´il manque de personnes compétentes et qualifiées.

 


Mon braqueur si poli

 

La cité des hommes …
zoom-cinema.fr

–          Haut les mains madame

–          Hey c´est quoi cette plaisanterie encore…

–          Madame ce  n´est pas une plaisanterie hein vous faites l´objet d´un braquage armé en direct.

–          Je connais les plaisanteries même si je n´en fais moi-même pas beaucoup mais ta part avec fusil en main là, j´espère qu´il n´est pas chargé le fusil.

–          Oh que si. Je le redis encore une dernière fois haut les mains.

Lentement, je levais la main pendant que ma Rita voulait prendre la poudre d´escampette. La voix du braqueur l´arrêta net : halte personne ne bouge. Vaincu elle reprit place à mes côtés les mains en l´air. On s´échange un regard inquisiteur en coin.

–          Hey wèn dollars da (hey où sont les dollars reçus) ?

–          Quel dollars fis-je perplexe.

–          Madame discussion da mafi (madame on ne veut pas de discussions inutiles)

Une ombre chuchota de la noirceur de la nuit une phrase dont, le seul écho du mot euro me parvint. Ahan (ok), fit l´autre c´est plutôt les euros toi aussi. Apparemment mes braqueurs semblent mieux connaître mon portefeuille que moi. Il me revendique des euros que moi-même n´ai pas encore vu. D´ailleurs de quels euros parlez-vous dis-je risqué. Ma copine me regarde toute peur bu et me dit hum yakay, braqueur là, il n´a pas l´air de plaisantin. Alors si tu as des euros quelque part que tu ne m´as pas informé ce n´est pas grave mais donne leur et puis ils vont nous libérer. D´abord quels sont ces braqueurs polis qui nous appellent madame depuis tout ce temps ? S´il vous plaît, êtes-vous des anciens ou nouveaux braqueurs… je n´ai pas fini ma phrase que ma copine m´interrompt c’est un braqueur lettré.

–          Madame on a assez bavardé et retenez nous ne sont pas des braqueurs nous sommes juste venus prendre notre part de prix que tu as gagné là. Le prix du concours mondojenesaisquoi là.

–          Hey prix du travail abattu à seul là ? mais ça c´est de l´ injustice.

–          Allez crier votre injustice ailleurs en attendant tu as gagné la distinction au nom de tout Betoudji donc, tu dois partager avec nous.

Il en est encore à parler que ses compagnons ont déjà renversé, déchiqueté et retourné tour à tour mes canapés, matelas et tous meubles pouvant être susceptible de servir de cachette. Au bout d´une demi-heure de vaine fouille ils ressortent. Bon prenez la voiture on la vendra et ce sera notre part du gâteau. Je trébuche, tente de me relever mais en vain. Ma voiture ma seule voiture. Comment irais-je au travail demain matin ? Je ne supporte guère l´humeur de ces chauffeurs de bus. Je pousse un cri. J´émerge de mon monde.

–          Chérie tu viens d´avoir un cauchemar.

–          Ah bon ? Heureusement que c´est un rêve.

 


«On ne peut se défaire de l´endroit d´où l´on vient» (2)

 

Une tasse de thé à la menthe me ferait probablement du bien. Penser à mon Tchad étant souvent source de migraine pour moi. Bien que parfois je me dis, j´ai eu la grâce de naître dans un pays spécial, un des berceaux de l´humanité, fondé sur d´ancien royaumes sahéliens tels que le royaume du Ouaddaï, le Kanem-Bornou et le Baguirmi. Alors je me prépare ce thé. Celui dont seule mes tantes arabes connaissent le secret de cuisson. Huuummm le bon parfum poivré et rafraîchissant de la menthe et du clou de girofle. Oui, j´ai bien dit mes tantes arabes. Car j´en ai beaucoup et de très bonnes tantes d´ailleurs. Ma famille échappe bien à cette sentence géo-politico-religieuse entre le Nord et le Sud du Tchad. Ainsi par le lien du mariage, j´ai des cousins Abderamane, Fatimé, Zara, Saleh, … issus des tantes Kadidja ou Aicha. Mais c´est quand bien même un fait rare dans un pays dont les dirigeants, pour masquer les réalités cruelles de la misère dans laquelle le peuple croupit, ont érigé le clanisme et l´appartenance à une religion quelconque en système de gestion de la chose publique. Mon pays est un otage d´une parterre de bons militaires qui lui ont apporté la démocratie un matin de décembre 1990. Cette démocratie si brumeuse que ce brouillard hivernal dont elle s´est couverte un matin du premier décembre. Disons une coquille qu´on a pris le soin de rembourrer avec de la dictature, le népotisme et le clientélisme avant de la servir aux Tchadiens. Seul un président-fondateur, celui-là même qui nous a apporté « ni or, ni argent, mais la liberté», est le seul à manipuler cette démocratie-dictature. Ce qu´il fait si bien depuis 22 ans. Alors nous tchadiens ne voulons plus un autre président, na, na, na. Il donne au peuple tout ce dont il a besoin alors pourquoi un autre ? Ne dit- on pas mieux vaut le démon que l´on connait que l´ange dont on ne connait pas ? Ainsi mes chers compatriotes renouvellent chaque cinq la confiance qu´ils ont en leur Moise national, celui-là qui nous délivra un brumeux matin du 1er décembre de la dictature.
A cet instant précis de ma méditation, je ne pus m´empêcher de revoir ma ville N´Djamena la belle avec tes rues englouties sous les ordures et déchets ménagers. N´Djaména la vitrine de l´Afrique aux ruelles boueuses dans lesquelles je pataugeais toute petite. A mes vingt ans, l´âge à laquelle on réalise sa féminité, j´ai appris à côtoyer les immondices. Maman, laisse-moi te dire ; quel écart entre mes deux mondes : N´Djaména et Göttingen. Cette dernière et si propre, si ordonnée que je ne peux te dire les tant de fois que je m´y suis égarée. Et parlant d´ordure alors, ma foi. Il m´a fallu coller à ma porte une fiche de tri afin que je ne me perde pas. Il y´a sept poubelles et un sac jaune. Chaque ordure ménagère à son container. Le vert pour les déchets biodégradables, le bleu pour tous mes papiers-brouillons –tu le sais bien que je suis repartie à l´école- le noir pour toutes les viandes ou poissons crus, les débris d´assiettes, le sac de l´aspirateur, … te rappelais-tu comment je cassais les verres quand j´étais petite, et bien je n´ai pas changé. Sauf qu´ici, il me faut trier les débris des verres par couleur une fois les avoir brisé. Chaque couleur à sa poubelle. Je n´ose pensé au travail qui nous attend quand N´Djaména sera effectivement cette vitrine de l´Afrique dont on rêve d´en faire. Bon si ce ne fut pas un simple slogan de campagne. Bon Dieu que les campagnes électorales sont si éloquentes avec leurs slogan à endormir même un cadavre.
Je me souviens encore de celle-ci, IDI le bâtisseur. Au menu du bâtisseur, l´inauguration pompeuse d´un pont à double voie en présence des représentants des chancelleries accréditées au Tchad. Un mois après l’inauguration, il se creusait déjà les premiers nids de poule. Il s´ensuite une série de coupure du ruban pour inaugurer tel lycée, telle école dans telle ou telle autre région. Et les pauvres diplomates qui au nom de la diplomatie font le voyage sur nos routes dénivelées pour orner la tribune de leurs présences. Je me rappellerai longtemps les échos du rire de certains coopérants le soir venu, dans leurs salons feutrés. Surtout qu´ils savent bien eux et moi que ces ponts, lycées et écoles sont construits au frais du contribuable tchadien. Mais la bêtise semble africaine puis que le peuple est maintenu dans l´ignorance pour être mieux exploité. Il croit vraiment que ces bâtiments publics sont vraiment les cadeaux du bâtisseur. Du coup la seule station radio-télévision étatique est inondé de communiqués de remerciement de tel ou tel canton et village. Voilà pourquoi maman, grand-mère ne remarque pas que ces ponts, écoles et marchés que le bienfaiteur national lui offrait si gracieusement ne résulte que de ces cinq cent francs d´amende que le policier municipal rackette lors des marchés hebdomadaires. Maman, tu ne peux savoir cette colère qui couvait en moi quand je revoyais le film de ce politicien en campagne. L´illustre politicien, futur président descendit donc voir son électorat. Il était tiré à quatre épingle dans un ensemble costume signé haute couture dont son ventre si rassasié soutenait à peine la couture. Et il déballait son charabia devant une population affamée et couvert d´haillons à qui il promettait de remplir le panier si elle venait à l´élire. Il rotait après chaque phrase pendant que l´électorat bâillait de faim. Et le show continue. Le politicien débitait donc son chapelet en français au beau milieu d´un village où, le plus instruit n´a pu franchir le cap du cours élémentaire, où la seule école est construite en bois de bambous. N´est-ce pas là un beau tableau de la politique tchadienne?
Te connaissant, je sais que tu t´es déjà dit, sacrée folle enfant, il n´y a rien de beau dans ce tableau de la politique tchadienne et même africaine si l´on scrute le continent. Bon Dieu, c´est mal connaître cette vieille Afrique avec ses pays indépendants depuis cinquante ans. La nouvelle sensation, les cinquantenaires des indépendances fêtés à tambours battant. N´Djaména en a profité pour renaître. Après un mandat social fait de la cherté de la vie, l´augmentation des prix des denrées alimentaires, il faut bien renaître. La  RENAISSANCE Avec une maire analphabète et un climat social tendu. Et tandis que tout le pays est en grève sèche, notre IDI national que j´envie beaucoup la promptitude de bon soldat crie sa colère d´être à peine compris par ses compatriotes. S´il pouvait expliquer aux tchadiens la liberté dont jouissent les détourneurs de biens publics.
Maman, en me lisant tu comprends maintenant mieux pourquoi j´ai voulu partir sans tout le théâtre. Tu sais aussi pourquoi partir est devenu pour  bien de jeunes, une issue inévitable. Il le fallait bien, car parfois il faut apprendre à dire non. Tu te disais que tu me perdras pour toujours. Et moi je te rassurais qu´on se reverra.  Tu te disais encore une de mes paroles vaines. Regarde, je te prouve que je n´ai jamais cesser de penser à toi et à mon cher pays. Prends cela comme ma garantie d´un retour. Oui je reviendrais un jour quand on aura fait de ma ville la vitrine. Ce jour-là, je rentrerai. Car nul peut oublier d´où il vient.


Pour une histoire de pétition

 

 

 

Bétoudji lorgne depuis belle lurette le moindre mouvement du portail bleu. Il sait pertinemment que les enfants lui diront une fois encore que papa est sorti. Il le sait, il n´a aucune chance de rencontrer son cousin. Autant attendre ici devant. Et lorsque la petite voiture noire sortira, il ira d´un pas décisif vers lui et lui demandera les cinq milles francs. Depuis la grève sèche la monnaie est un bien précieux et le repas un étrange nom pour ses trois enfants. Il se demande toujours comment il a osé écrire cette pétition.

Sous ce ciel tchadien la démocratie règne en harmonie avec la dictature. Pendant que la monarchie et la présidence se partagent un palais sans s´enchevêtrer.  Écrire les pétitions ou en signer sont d´office accordé dans ce pays. Mais le contenu doit être au millimètre près un éloge du pouvoir. Les grévistes tchadiens en rédigeant leur motion de protestation ont oublié la règle élémentaire et lui le leader il a signé. Aujourd´hui il a perdu son travail, la justice vient de le condamner à 18 mois de prison avec sursis et un million de dommage et intérêts pour incitation à la haine raciale.

De là à quémander la pitance de ses enfants, faire le pied de grue devant les maisons, il ne s´en revient pas. Comment pourrais-tu le savoir Bétoudji ? Comment pourrais-tu savoir que ton pays est sous la coupe d´une bande d´hommes sans cœur ? Ils ont mis leur machine à broyer en route. Ils ont tous envahis, tous conquis, tous l´or et l´argent. Ils viennent aussi de prendre le plus élémentaire des droits des tchadiens. Le droit de dire non, le droit de revendiquer son salaire. Tu n´es que le bouc émissaire. L´agneau du sacrifice d´un système qui a fini par endormir toute une population à coups de slogans et de violence.

Courage à toi Bétoudji. Courage à toi et à tes pairs de l´intersyndical.

Courage à tous ces tchadiens qui se mobilisent aujourd´hui pour les deux syndicalistes et le journaliste victimes de la gabegie d´un pouvoir tortionnaire.

 

 


Mon cadeau pour mes trente ans

Debout devant ma glace, je scrute minutieusement chaque recoin de mon visage. Une fois, deux fois, et encore une troisième fois. Rien. Même pas une ombre de rides. Tralalala lalalaaaaaa. C´est comme si le temps n´a fait que glisser sur mon visage même s´il a pu figer dans mon cœur bien de souvenirs, les contours des yeus sont restés intouchables. Je siffle des airs joyeux et esquivant quelques pas de danses, je retourne à ma commode pour une séance de maquillage. Je choisirais des tons naturels question d´illuminer mon regard. Belle et discrète voilà ma nouvelle devise.

Vive la trentaine tralala lalala. Cela fait exactement deux semaines que j´ai trente ans. La fête n´a pas manqué. Et la plus belle fut celle que m´offrit ma belle-mère. L´occasion de demander quand viendra son «petit-fils chocolat aux cheveux crépus et yeux bleus». Pourvu qu´elle ne me prenne pour une carriériste. Et alors ? Il eut un temps où, ma vie était un morceau de projets planifiés au millimètre près avec un premier enfant à 28-29 ans. Cette époque-là était l´époque des rêves infantiles, la puberté et ses premiers fantasmes, le premier amour et ses reliques. À vingt-sept ans, je compris vite qu´il y´a dans la vie ce qu´on appelle le hasard : il détermine parfois bien le bonheur d´un être.

Mon instant de bonheur en ce jour était la minute où, à l´autre bout de fil, la voix d´Andréa me demandait ce que souhaitais pour mes trente ans. Quelle question !!! Je réalisais aussi à l´instant que je ne me suis rien souhaité pour cette nouvelle année contrairement aux autres. Je cherchais dans les recoins de ma tête une idée cadeau, un désir non exprimé. N´importe quoi mais pourvu que ça soit quelque chose. Rien ne me vint à l´esprit. Je demandais alors à elle de me laisser le temps d´y réfléchir.

Moi : je t´appellerais dès qu´une idée me vient à l´esprit.

Elle : fais vite sinon je me trouverai bien un cadeau pour toi.

Un rapide coup d´œil dans ma maison et oups ! Des verres, voilà des verres. Voilà ce dont j´ai besoin. Et venant d´elle j´en prendrai un grand soin. Je composais donc son numéro pour recommander six verres à eau. Quelle ne fut pas son étonnement. Juste six verres à d´eau !?! Comment pourrait-elle comprendre que trente ans pour une personne avec un parcours comme la mienne dans une société phallocrate, il arrive un temps où on atteint une certaine plénitude que tout ce qu´on l´on se souhaite c´est, la santé. Rien que le bien être. Car à trente ans commence réellement la vie.


«On ne peut se défaire de l´endroit d´où l´on vient» (1)


 Sources orteilsenvadrouille.free.fr

Couchée sur mon canapé, je repensais à ma vie. Une vie comme celle de toute jeune africaine de la génération de 80. Mais aussi une vie traversée par une destinée assez différente de bien d´autre de cette génération guerrière. Comment ne pas y penser ? Moi enfant sahélien étant née dans la guerre, ayant survécu à la sécheresse, ayant connu le vrai visage de mon père qu´à mes cinq six ans. Il fut un exilé politique. Moi femme africaine ayant échappé à un mariage arrangé de justesse. Les histoires de  famille, je n´en suis pas une adepte. Qui à subir la pression de la famille. Mais c´est ma vie. Je me suis battue. J´ai survécu. J´ai remporté la reconnaissance de ma famille aujourd´hui. Ce fut dur, dur et dur. Mais j´y suis parvenue. Tout peut être possible à celles qui savent lire et écrire sous nos cieux!

Je repensais donc à ce moment où, posant les pieds sur la passerelle de l´avion de la compagnie Air Maroc, je me questionnais sur ce qui allait être mes nouvelles relations avec l´Afrique. Sur ce qui allait être ma désormais lointaine relation avec ma famille et surtout ma relation avec mon père. Ce père que j´ai beaucoup aimé comme toute petite fille. Rien n´a voir avec le fameux complexe d´Œdipe. Car moi j´ai aussi aimé ma mère. Et je l´aime par-dessus tout. Ce père que la vie a fini par nous distancer l´une de l´autre. Ce père dont les turpitudes des traditions ont fini par m´en écarter à jamais. Pour lui, j´étais une enfant étrange qu´il ne comprenais plus. Une bête enfant qui ne sait ce qu´elle veut; lorsqu´il ne m´attribue point ce surnom de «sociologue qui veut changer le monde». Ou plutôt son monde aux traditions que je qualifie d´hypocrites : mariage en famille, cette l´officialisation de l´inceste au nom des raisons aussi tordues que futiles. La dot extrêmement élevée ou l´arnaque financière. Des vieux pères qui comptent sur leurs nombreuses filles pour s´enrichir sur le dos des jeunes hommes.

Mais mes pensées s´envolaient aussi vers toi, ma mère. Toi dont j´ai privé de l´orgueil de toute mère africaine se séparant de sa fille. L´orgueil de toute mère africaine regardant sa fille quitter ce continent aussi sombre que ses nuits noires dans lesquelles, les gouvernants repus des frais du contribuable dont ils gèrent comme leurs biens, tissent les liens de leurs réseaux obscurs et mercantiles où les décrets se signent entre deux rasades de liqueurs. Oui je t´ai privé de l´occasion privilégiée de toute mère de se faire envier par ceux qui l´écoute administrer les derniers conseils à sa fille au pied de la passerelle. Conseils dont le seul but est de se faire voir elle, la belle-mère de l´Européen. Tant Dieu sait que les réalités d´outre-mer sont différentes qu´aucune femme ne se gênerait si le mari doit aider à faire le ménage. Hélas, je t´ai refusé toute cette parodie théâtrale. Ma foi, je n´aimes pas les mises en scène. Oui, comment ne pas te retrouver dans cet instant précis de ma pensée ? Tu es toujours bien là et tu le resteras. Toi mon héroïne. Toi, symbole de toute une histoire. Celle d´un pays livré aux d´une bandes de dinosaures plus préoccupé par leurs ventres et leurs bas ventre que par une meilleure répartition des bien d´un pays, la justice et la cohésion sociale. Qui pourrait bien oublier ces années de guerre civile, l´Exil pour les uns, car toi tu refusas de partir loin de ta patrie, l´Exil dû à l´élimination des cerveaux sudistes ou septembre noir. Et comme la famine suivant souvent la guerre, tu devrais affronter seule avec quatre enfants la sécheresse des années 1984. Qui de nous tes quatre filles oublierait tes nuits blanches sous les lanternes de Kété Gala (petit marché)? Oui tu devins vendeuse de tourteaux d´arachide pour le besoin parce que dépouillée par la belle famille du peu que ton mari t´a laissé. Toi une institutrice. Tu quittais toujours le trottoir à vingt-trois heures pour aller le matin à sept au cours. Pourrait-on décrire la fatigue avec laquelle tu luttais cinq heures durant en te tenant sur tes pieds et t´égosillant le plus fort possible pour te faire entendre par ces élèves aux ventres creux? Tout un souvenir. Des souvenirs qu´on ne peut s´arrêter de ruminer le long de sa vie. Même si les remémorer nous fait toujours du mal.  


Le titre de l´article est un extrait de l´Album « D´ici et d´ailleurs » de la chanteuse Soha