OvocyteMoi: briser le tabou sur le don d’ovocytes

21 juillet 2017

OvocyteMoi: briser le tabou sur le don d’ovocytes

Chaque femme a en elle un désir de maternité caché. Mais la nature n’offre point à chaque femme, cette grâce de concevoir sauf si elle fait recours à la procréation assistée qui est encore un grand tabou. Sandrine parle de son combat pour les dons d’ovocytes surtout du phénotype noir

Bonjour Mme Pouvez-vous vous présenter et décrire aussi votre lutte ?
Je me présente Sandrine connu au travers du pseudonyme Ovocytemoi. Je me bats au quotidien pour sensibiliser sur l’infertilité, briser le tabou autour de cette maladie et surtout parler du don de gamètes (Don d’ovocytes et de don de spermatozoïdes). Pour certaines femmes comme moi, c’est le seul choix qui leur reste pour être maman. Le temps d’attente est de 8 ans pour un don de gamètes pour un phénotype noir.

Pourquoi choisir de lutter à visage découvert? Ne craignez-vous pas les préjugés?
Mon histoire est vraiment douloureuse, j’ai découvert mon infertilité en 2014. Je saignais énormément pendant mes règles et des douleurs importantes lors des rapports sexuels alors j’ai décidé d’aller voir gynécologue, qui m’a fait une échographie, et a constaté que je disposais d’un utérus polyfibromateux (2 Sous-muqueux 5cm et 4cm, 1 sous-séreux de 2cm et 1 sous séreux calcifié de 2 cm). Et qu’il fallait effectuer une opération si je souhaitais être enceinte, car mon utérus mesure 4 cm et cela allait empêcher une nidation)
Ensuite, elle a fait d’autres tests, un IRM pour déterminer la localisation des fibromes, leur taille… Puis elle a effectué une Hystérosalpingrographie, qui a montré l’occlusion de mes 2 trompes.
Je n’y croyais pas tellement à ce résultat et je n’étais pas convaincu par l’opération et mon objectif était ailleurs. J’entreprenais une reconversion professionnelle qui nécessitait une reprise des études.
Donc, il était mieux pour moi d’être dans le déni car je me suis battue pour ce projet de reconversion et j’avais obtenu une partie du financement. J’ai opté pour une alimentation saine et beaucoup de sport pendant ma formation théorique et pratique.
En début d’année 2015, lorsque mon projet de reconversion tirait à sa fin, j’ai repris les examens avec les médecins. On a refait de nouveaux examens : Une nouvelle échographie et des bilans hormonaux. On a découvert que les fibromes ont évolué surtout les plus inquiétants les 2 sous-muqueux (8 cm et 6 cm) et surtout on a découvert que j’étais en Insuffisance Ovarienne Prématurée (IOP).
Ma seule chance d’être maman est de passer par le don d’ovocytes. J’ai alors décidé de dire la vérité à l’homme qui partageait ma vie à cette époque. Car il avait clairement indiqué qu’il souhaitait avoir des enfants et ce sont des choses qui ne se cachent pas.
J’ai alors entrepris plusieurs démarches, j’ai vu 5 médecins en France qui ont confirmé l’IOP. Et le dernier médecin, a effectué le CFA, Comptage Folliculaires Antraux, c’est pour mesurer mon taux de réponse en cas de stimulation ovarienne. Je suis passée en commission et le verdict était sans équivoque, je devais passer par le don d’ovocytes pour être maman. Une femme me donne ses ovocytes qui seront fécondés avec le sperme de mon conjoint et l’embryon issu de cette fécondation sera transféré au sein de mon utérus.
C’est à ce moment que commence mon calvaire, mon ex-conjoint et moi nous sommes allés nous inscrire au CECOS (Centre D’études de Conservation des Ovocytes et Spermatozoïdes) pour être sur la liste d’attentes pour disposer des ovocytes. Lors de cet entretien, le Gynécologue nous indique que cela fait plusieurs années qu’elle est là, elle n’a jamais vu de personnes noires poussées la porte du CECOS pour effectuer un don. Donc, si je veux être maman, je dois opter pour un phénotype caucasien.
Et tout allait mal au sein de mon couple, mon ex-conjoint il n’était jamais présent et le 14 février 2016, il m’a battu violemment, 2 coups de poing au visage et 4 coups de poing aux côtes et ceci à 10 jours de l’intervention chirurgicale nous n’habitons pas la même ville pour des raisons professionnelles. Je me faisais opérer dans sa ville, il m’a demandé de me débrouiller avec mon opération. C’est à ce moment que j’ai envoyé la photo de moi battue avec le sang qui coulait dans mes narines et le visage tuméfié à nos entourages en indiquant que j’ai été battue par lui parce que mon seul crime a été d’être infertile.
N’ayant pas trouvé d’appartement dans la région d’alsace, parce que j’étais noire. J’essuyais plusieurs refus à cause de ma couleur de peau. J’ai donc demandé à une de ses connaissances qui a accepté de m’héberger le temps de ma convalescence.
J’ai alors décidé de parler ouvertement de cette maladie, à visage découvert, de ne plus avoir honte, mettre en lumière les souffrances des femmes infertiles et leur combat pour être maman et briser les idées reçues liées à la maladie.
OvocyteMoi, singulier comme nom, marque mais aussi trop direct non ?
A la sortie du bloc opératoire, j’avais touché le fond. 48 heures après la sortie du bloc opératoire, j’ai fais une longue marche de plus 30 min. Je pleurais toutes les larmes de mon corps. Déjà la maladie était difficile à supporter. Vous aviez honte et en plus de cela, on vous bat comme un animal comme si vous ne représentez rien. Vous ne valez rien. L’infertilité m’avait achevé. Le don d’ovocytes m’avait achevé.
Au retour dans ma chambre, je n’allais toujours pas bien. Je me devais de cacher mes larmes car je partageais une chambre avec une femme également infertile. En attente bébé depuis 8 ans. Une trompe bouchée, plusieurs inséminations artificielles et 2 FIVs à son actif. J’ai pensé me donner un pseudonyme et cela a été OvocyteMoi pour AchèveMoi.

Vous défendez une cause qui est tabou encore dans certaines cultures voir même un péché selon les religions. Ne rencontrez-vous pas des difficultés, des résistances et les peaux de bananes jetées?

Ah la religion, mes plus grands détracteurs sont les religieux. J’ai communiqué au sein de la communauté noire, et je suis allée dans les groupes chrétiens, pour parler du don de gamètes, qu’est ce que je n’ai pas reçu comme méchanceté. Les gens se cachent derrière leur écran pour déverser leur haine et leur frustration.
Quand tu vas à la rencontre des gens, pour parler du don d’ovocytes, les gens parlent de Dieu, me tiennent la main et veulent me forcer à faire des prières avec eux. Car c’est seul Dieu qui m’aidera dans ce parcours. Et je leur réponds, dieu m’aide en allant en votre rencontre pour vous parler du don de gamètes.
Aussi des phrases de certains africains : « Le don de gamètes, ce sont les choses des blancs. Cela n’existe pas en Afrique. ». Mais briser les idées reçues apportant l’histoire de certains peuples africains pour la gestion de l’infertilité et apporter l’information de l’existence du don de gamètes en Afrique via la page « OvocyteMoi », ma Chaine Youtube « Ovocytemoi » et le groupe Facebook « Femme noire et Infertilité ».
Les phrases négatives des proches :
«  C’est ta carrière qui t’a rendu infertile »
« Tu as toujours voulu adopté, c’est sans doute la volonté de dieu, ainsi tu pourras concrétiser ton rêve »
«  Je ne comprends pas que tu ne reviens pas avec lui, il t’a quand même accepté avec ton infertilité »
« Avec ton infertilité, tu seras un peu plus soumise »
« Tu ne peux pas être ambitieuse avec ton infertilité »
« Comment tu peux parler ouvertement de ton infertilité, ce sont les choses qui se cachent »

Dans ce parcours, on fait le tri même au sein de sa propre famille. On voit les gens qui sont là pour vous aider et d’autres pas. C’est dans les moments difficiles, on voit les personnes qui sont là pour toi. Quand tu fais des demandes d’aide pour distribuer les brochures du don de gamètes, et que tu préviens des membres de ta famille, personne ne se bouscule sur le portillon.
Et dans ce parcours, on fait aussi de belles rencontres. Comme l’homme qui partage ma vie en ce moment. Comme dit ma meilleure amie : « il a pu faire ce que nous avons pas pu faire ». C’est la personne la plus patiente que je connaisse, il m’a laissé guérir à mon rythme, me laisser exprimer mes souffrances, mettre des mots sur les maux, m’accompagner dans mes rendez-vous psychologues, m’apporter son amour.
Mon infertilité m’a rendu libre, libre d’être ce que je suis. Libre de ne plus faire semblant, libre de mettre de côtés les personnes qui finalement prétendent t’aimer ou qui prétendent être de soutenir.
Après avoir passé les moments les plus difficiles de ma vie, j’ai trouvé le bonheur malgré un parcours difficile et douloureux.
Mon parcours sera long et difficile. Mais je continuerai de parler de cette maladie afin que les femmes et hommes infertiles ne souffrent plus du regard des autres, ne doivent plus se cacher, d’avoir honte d’être malade, afin que les mentalités changent.

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Commentaires

webmarketing
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Un excellent article, je partage

Sandrine (Ovocytemoi)
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Merci beaucoup pour cet honneur à mon encontre. C'est en mettant une tasse d'eau dans une bassine que l'on la remplit. Une métaphore pour dire. C'est avec ces belles actions que nous arriverons à briser les tabous autour de l'infertilité.
Merci encore.

rendodjo2
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C'est à moi de dire merci. Tu as accepté d'ouvrir ton coeur à mon blog.