Le 2 février 2008, je m´en souviens encore

Article : Le 2 février 2008, je m´en souviens encore
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2 février 2015

Le 2 février 2008, je m´en souviens encore

Les cadavres jonchant l´avenue Charles Degaulle non loin du Siège d´Airtel/Source de l´image: interet-general.info
Les cadavres jonchant l´avenue Charles de Gaulle. Ici, au fond à gauche, le siège d´Airtel/Source de l´image: interet-general.info

Depuis sept années, le deux février est une date très personnelle pour chaque homme, chaque femme et chaque famille tchadienne. Ce jour où, les rêves ont basculé en cauchemar pour certains. Les Ndjamenois ont été tirés de leur sommeil. Ils  croyaient à un buzz des politico-militaires. La guerre a eu lieu dans la capitale, dans les ruelles, entre les maisons, et les avions de chasse rasaient le sol. La mort choisir ceux qu´elle voulait : l´enfer dans nos coeurs, la peur dans nos âmes. Le témoignage d´un rescapé, Abel Ibangolo Maina.

Il était 15 h environ lorsque de mon bureau sur l’avenue Charles de Gaule on voyait filer à toute vitesse les chars et véhicules blindés de l’armée . La bataille de Massaguet avait coûté la vie à plusieurs officiers et généraux de l’ANT. Selon les informations qu´on recevait au compte-gouttes, le président Idriss Déby était sur le terrain de bataille. Les mouvements rebelles avaient remporté la bataille. Le repli était le mot d’ordre. Le commandant en chef de l´armée tchadienne en la personne de Déby lui-même avait donné le mot d’ordre du repli tactique selon les uns et de l´abandon selon les pro-rebelles. Les Ndjamenois seront donc pris dans un tourbillon;  plus d’un million d’habitants pris comme bouclier humain par le président tchadien dans sa stratégie de guerre.

Les mouvements rebelles si près du but avaient décidé de poursuivre le président et son armée en débandade jusqu’à la capitale, Ndjamena sous les bombes, les tirs de canon et toutes les armes lourdes. Déby avait perdu tout le contrôle du pays. Il n’était plus que le chef du palais Rose. La chute du régime disait-on. L’Elysée avait appelé le palais Rose pour proposer l’asile à Déby. Des négociations avaient commencé entre les chefs rebelles, quelques responsables politiques et ceux de la société civile. L’armée française qui avait mis sur écoute les personnalités politiques avait laissé filtrer les infos au président tchadien. Ordre a été donné automatiquement d’arrêter certaines personnes : 3 chefs de partis politiques furent enlevés et conduits vers une destination inconnue de leurs familles. J’ai été informée que j’étais sur la liste des personnes à abattre dans la liste des personnes de la société civile. Certains ont pu s’échapper grâce à la même armée française, d’autres simplement en traversant pour se retrouver au Cameroun voisin.

Déby devrait partir, la fin du règne des zaghawa était éminente. Il fallait trouver un compromis, un chef militaire pour le remplacer.  Il n’était pas question de porter au pouvoir l´un des chefs d’une des branches rebelles qui étaient aussi des neveux d´Idriss Deby. L´incertitude régnait, les rumeurs couraient et les rebelles se pavanaient en maîtres dans la ville. La France fit volteface deux jours après; elle ne faisait pas confiance aux nouveaux possibles maîtres. Elle craignait une guerre pour le trône entre les trois factions rebelles. Ces dernières en réalité, ne s’entendaient pas aussi à prendre Ndjamena si facilement en trois jours de combats. Elles tergiversaient sur le possible nouveau putschiste qui tiendrait les rênes de la capitale. Il fallait donc vite faire, aider et maintenir Déby pour éviter le chaos dans le chaos.
Avec l’aide de l’armée française et du Libyen Kadhafi, Deby reprit le contrôle de l´aéroport sous surveillance française. Aidé de mercenaires est-européens, il récupéra les points stratégiques : le pont de Walia, de Nguéli et le contrôle du fleuve Chari coupant ainsi toute possibilité de fuite aux rebelles. Les munitions et le carburant commençaient par faire manquer dans le camp ennemi. Il fallait se replier pour ne pas perdre les soldats (beaucoup d´enfants soldats).

La bataille prit fin. Dans les rues, sur l´asphalte, dans les marais, il y avait des tués par dizaines, par centaines : le carnage. Dans l’ai flottait l´odeur de la mort et les vautours festoyaient dans le ciel.
Trois chefs de partis d´opposition furent arrêtés et enfermés, un responsable politique torturé jusqu’à ce que mort s´ensuive. Il s’appelait Ibn Oumar  Mahamet Saleh, mort dans les geôles d’Idriss Déby.

 Les 2 et 3 février 2008 resteront inoubliables pour les Tchadiens. Une fois encore Dieu n’a pas entendu les cris d’un peuple.

 

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Commentaires

Rose Roassim
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Espérons que nos plumes portent les fruits escomptés .