Femme-journaliste ou journaliste-femme? Un billet collectif pour briser le silence sur les discriminations
Etre une femme journaliste n´est pas un fleuve tranquille ou une promenade de santé dans les cours des organes de presse. Évoluer dans la profession a un coût moral et psychologique ardu pour les femmes africaines. Il faut faire ses preuves et travailler davantage que ses confrères hommes à cause des préjugés sexistes qui, loin des paillettes et autres mondanités, les voyages, les rencontres et découvertes qui rendent le métier beau, restent un vrai défi pour celles qui veulent exercer en tout professionnalisme. Le monopole masculin est là et s´imposer comme une journaliste est un combat difficile. Certaines ont osé et gagné le pari avec beaucoup d´écorchures. Ce billet collectif est un témoignage et un tour d´horizon avec des femmes journalistes et mondoblogueuses contre la précarité, le sexisme, la discrimination et le harcèlement sexuel dont subissent les journalistes femmes.
Chantal du Congo ouvre le billet en dénonçant le faible pourcentage des femmes dans les médias. Tandis que, Josiane nous dit depuis le Cameroun que la discrimination à l´égard de la femme journaliste commence au sein de sa famille même.
Chantal Faida, RDC : Les femmes n’ont pas plus de voix dans les médias
Les femmes parlent à 19% en RDC et ce pourcentage varie selon différents organes de presses (radios, journaux et télévisions). 22% de femmes sont dans les entreprises de presse et 18% occupent des postes de gestion. Seul 8% d’entre elles sont présentes dans la direction de presse en RDC. L’inégalité du genre dans le monde médiatique congolais est très visible. La panacée c’est de mettre des «lunettes» genres dans le traitement de l’information en vue d’un équilibre. Grâce à l’appui du programme inter bailleurs Médias pour la Démocratie et la transparence en RDC et en partenariat avec l’Osservatorio di pavia, l’Union Congolaise des Femmes des Médias, (UCOFEM en sigle) a, dans ses actions en faveur des droits des femmes congolaises réalisé un monitorage des principaux médias congolais, écrits et audiovisuels, pour faire un point sur la représentation médiatique de la femme en RDC au mois de septembre 2013.
Le plus souvent, les femmes sont interviewées dans un rôle mineur
A en croire le rapport du monitorage, les récurrences de représentations inégales dans les médias sont légion. «Les femmes sont protagonistes, rarement interpellées en tant que sources expertes ou en tant que célébrités. Plus souvent, elles sont évoquées ou interviewées dans un rôle imprécis ou mineur. Bien que sous-représentées dans la plupart des rôles importants, les femmes reçoivent l’attention médiatique plus souvent que les hommes en tant que victimes de violence et donc dans les bad news.»
Plus loin, le rapport précise, «Les personnes représentées dans les médias sont parfois identifiées à travers leurs relations familiales la femme de…, le fils de … Cette démarche qui tend à diminuer l’importance des sujets est bien plus récurrente vis-à-vis des femmes que des hommes.»
Emprise de la coutume n’aide pas le progrès vers l’égalité
Il sied de noter que dans la plupart de cas, au Congo, la femme vit sous l’emprise de la coutume caractérisée par la prédominance de l’homme. «Un écart prononcé dans le département technique/technologique de l’information 9% et dans celui de l’impression et de la distribution 17%. Les hommes prédominent dans tous les départements des entreprises de presse. 29% de personnes figurant dans le département éditoriaux sont des femmes.» En exemple, la couverture médiatique sur l’égalité du genre est à seulement 0.5% en comparaison avec la couverture sur la politique qui est à 23%.
Josiane Kouagheu, Cameroun ; Sex-symbol ou journalistes tout court?
En mars 2013, j’écrivais un billet intitulé : Sex-symbol les femmes journalistes? Une question me trottait dans la tête : «n’y a-t-il pas des femmes journalistes qui s’imposent déjà?». Bien sûr que si!
«Les journalistes sont des bordels (prostituées)». Quand ton propre papa te le dit, tu réfléchis par deux fois avant de t’engager dans cette voie. Et lorsque tu t’engages, tu comprends qu’il n’est pas le seul à réfléchir ainsi. «Ah je suis sûr que comme tu es une femme, il va te répondre». «Tu portes la jupe. Vas-y, il va te donner le scoop…». Au sein des rédactions, les femmes journalistes ne sont pas épargnées. Et si en plus tu écoutes des commentaires du genre: «regardez les profils Facebook des femmes-journalistes. Leurs corps sont exposés. Elles veulent se vendre ou quoi?». N’ont-t-elles pas le droit de se filmer? N’ont-t-elles pas un corps de femme ? En fait, je pense que les hommes veulent se convaincre de l’incapacité des femmes dans les medias. J’ai parfois l’impression qu’ils veulent voir en les femmes journalistes, leurs épouses restées à la maison. Celles-là qui les attendent, les embrassent et se contentent de leur faire de beaux petits bébés. La femme-journaliste rentre parfois à 2 heures du matin des reportages et à 6 heures, elle est d’attaque à la rédaction. Ça fait peur aux hommes!
Il y a des brebis galeuses partout. Normal, certains hommes journalistes ne sont-ils pas à la solde des hommes politiques? Corrompus et achetés? La femme journaliste n’est pas à l’abri des dérapages. Je ne me considère pas inférieur ou supérieur à mes collègues hommes. Je me dis seulement : «je peux faire ce qu’ils font. Et plus encore» ! Je ne mets ni mon corps, ni ma qualité de femme en exergue. Je ne suis pas une sex-symbol, mais une journaliste tout court!
Je dirais donc que l’Afrique ne réserve naturellement aucune place à la femme dans la société. Celle-ci doit se faire accepter ou s´imposer. Même dans la presse. Se voir refuser les reportages importants parce que femme, se contenter des chiens écrasés. Parfois, il faut s’autocensurer pour ne pas mécontenter la gente masculine. En tout cas, le constat est le même aux Caraïbes où, Mylène et Axelle nous amènent.
Mylène Colmar, Guadeloupe : De l’art de serrer les dents
En Guadeloupe, que tu es une femme, jamais certains (interviewés, patrons, collègues et même l’entourage proche) ne manquent de te le rappeler, de manière directe ou détournée (consciente ou pas). Directe : la drague, les avertissements paternalistes commençant par « Une femme comme toi ne devrait pas…», l’intimidation physique. Détournée : les regards enjôleurs très appuyés, les questions insistantes sur la vie privée, les remarques déguisées en compliments sur tes tenues vestimentaires, les interrogations du genre «Tu as obtenu ces infos comment ? Il ne t’a pas fait des avances quand même ? Tu l’as séduit, non ?» Et les blagues du type «Tu veux l’interviewer parce que tu es tombé sous son charme?». Propos entendus, situations vécues. Et comme parade, ma méthode qui a fait ses preuves : faire montre d’encore plus de rigueur, de professionnalisme.
Je râle parfois, irritée que certains aient encore ces réflexes et pensées rétrogrades. Néanmoins, je me calme très vite, car ailleurs d’autres femmes journalistes travaillent sous le feu des critiques, en dépit des risques encourus et malgré leur peur au ventre. Alors…
Axelle Kaulanjan (axelle971.mondoblog.org) : «Du mal kabritisme»
En Guadeloupe, l’on pourrait croire que les femmes journalistes ont de la chance, contrairement à d’autres pays de la zone Caraïbe-Amérique latine, car, a priori, traitées à la hauteur de leurs compétences, sans discrimination aucune. Et pour cause, nombre d’entre elles occupent des postes à responsabilités et bénéficient d’une excellente visibilité à la télé et en radio. Du moins au niveau du service public.
Mais tout cela n’est qu’apparences et la façon dont certains décideurs – notamment politiques – se permettent de les traiter, pourrait choquer.
J’ai en tête un souvenir particulier datant de 2006, alors que j’étais une toute jeune journaliste. La radio avec laquelle je collaborais inaugurait alors ses nouveaux locaux, et des leaders politiques de tous bords avaient été conviés, pour une journée d’émissions spéciales. Bien sûr, le buffet et le bar étaient ouverts. L’un de ces politiciens, connu pour son penchant pour la boisson locale, le rhum blanc « sec » – c’est-à-dire bu sans sucre ni aucun accompagnement –, après un verre, s’était permis, devant les yeux pas si ébahis des autres hommes présents, de mettre une main aux fesses d’une de mes collègues. Alors en pleine évolution professionnelle, elle s’était sentie « obligée » de sourire, la mort dans l’âme, après ce geste plus que déplacé ; ajoutant ainsi une certaine approbation du silence au sentiment d’impunité de ce mal kabrit .
Voilà donc, un aspect du milieu dans lequel les femmes journalistes guadeloupéennes doivent évoluer : un microcosme apparemment lisse et beau, mais qui, au fond, comporte bien des vers qui le pourrissent. Et, dans ces cas, pour survivre et garder sa dignité, et ne pas se vendre, il faut trouver des stratégies d’évitement. Par exemple, nombre de ces femmes journalistes, quand elles doivent interviewer un de ces mal kabrit notoires se font tout simplement accompagner d’un homme de la profession. Tristes tropiques.
1- Littéralement, mâle cabrit, bouc. Par extension, désigne tout homme au comportement sexuel démesuré, par comparaison à ces caprins qui « sautent sur tout », sans distinction.
S´offrir à ces supérieurs, du directeur des programme au ministre de tutelle, ou moisir en enchaînant de petits contrats. Alors le journalisme, un métier d’homme? Je dirais non. Mais un métier où il vaut mieux être un homme, ça c’est sûr ! Sinon avoir la poigne d´un homme. Cela peut être aussi bien nécessaire. C´est l´avis de Salma.
Salma Amadore du Cameroun : Journaliste aux seins d’une rédaction
C’est le genre d’article où je ne sais vraiment pas comment ordonner mes idées car j’ai tellement de choses à dire. Parler de la femme journaliste dans mon environnement ne peut passer que par ce que j’ai vécu. Hé bien à une époque durant mon enfance, la télévision et surtout la CTV (nouvelle CRTV) pour moi, représentait des noms tels que Charles Ndongo, Denise Epotè, Eric Tchinje, barbara Nkono. C’est sur ces noms que reposaient mes connaissances en matière de journalisme.
La Famille
Faut dire qu’être journaliste dans une famille au Cameroun c’est d’abord dans la tête des parents «passer à la télé, être comme Charles Ndongo». J’avais beau dire aux membres de ma famille que j’étais journaliste de la presse écrite, tout ce que je disais tombait dans des oreilles de sourds. Il avait une seule question « tu dis que tu es journaliste non, pourquoi je ne te vois pas à la télé ? ». Pour eux ce métier signifiait qu’on devait forcément passer à la télé. Ma grand-père a cette idée comme quoi « les journalistes sont riches et côtoient les grands hommes donc je me marierais sans doute à l’un d’eux et je serais une grande femme qui voyagera partout ». Pauvre grand-mère tu ne sais pas que si c’était autant facile tout le monde ferait ce métier pour voyager.
Par la suite dans la belle famille, Je peux dire que les femmes journalistes ne sont pas bien accueillies dans la société en général. Les gens disent qu’elles « bavardent beaucoup », « qu’elles ne sont pas fidèles vu qu’elles rencontrent et passent parfois du temps avec les grandes personnalités, elles se prennent la tête », « ce sont des mauvaises mères car elles voyagent trop et ne sont jamais là pour éduquer leurs enfants », « si elles se marient, elles iront toujours dévoiler leurs problèmes dans les médias pour salir leur mari », un tas d’idées reçues qui noircissent le tableau de cette profession pour la femme.
Dans mon équipe
Il faut dire qu’être une femme dans le journalisme, c’est être une femme comme ailleurs. Je veux dire que même dans nos familles nous bagarrons beaucoup pour obtenir certaines choses contrairement aux hommes. C’est donc avec passion que je deviens reporter, j’avais ce plaisir à voir mon nom au début ou à la fin d’un article. Les femmes dans les rédactions sont comme des appâts. Elles sont dans la plupart des équipes sur le terrain pour « ouvrir certaines portes » car là où il sera difficile à un journaliste homme de faire une interview pour une quelconque raison, une femme pourrait l’obtenir rien que par son charme. La plupart du temps j’avais des instructions du genre « je ne veux pas savoir si tu dois le draguer ou faire quoique ce soit avec lui, mais ramènes-moi mes informations ». Et moi je me disais intérieurement « je suis comme une prostituée donc je dois faire les quatre volontés de Mr ou Mme tel rien que pour un papier ? ». Et puis je me suis disait « est ce que c’est un lion ? Il ne va pas me manger », et puis quelqu’un dans la salle de rédaction me lançait « il aime les femmes et surtout les filles comme toi ». Après ça je perdais tout mon courage.
Je vais dire que le charme, la courtoisie, la sympathie, la simplicité et le respect m’ont toujours permis d’obtenir ce que je voulais comme informations.
Le harcèlement tout comme le chantage n’échappent pas au paysage, surtout quand vous êtes la cible d’un de vos dirigeants et que ce dernier vous fait comprendre que « si tu n’acceptes pas ma proposition, tu ne graviras jamais les échelons dans cette boîte ».Alors soit vous cédez, soit vous vous forgez un moral tellement fort que les autres vous prennent pour une sorcière. Et vous vous dites intérieurement « je préfère être une sorcière aux cuisses lourdes qu’un ange aux cuisses légères ».
D’autre part il y a toujours ces idées reçues sur les sujets à traiter qui conviennent à tel sexe. Un peu comme à l’échelle nationale on donnerait volontiers le ministère de la famille à une femme, dans les rédactions les femmes sont bonnes pour les rubriques beauté, société, mode, etc. Il lui faudra mener un combat de titans pour être chef de rubrique économie, politique, diplomatie et autres. Ce sont autant de combats qu’il reste à mener.
Etre une sorcière aux cuisses lourdes ? Un avis que partage aussi Bryaelise. Cependant on peut s´imposer par son travail. En tout cas ce dont témoigne ma consœur venant du Tchad comme moi.
Bryaelise ; Femme journaliste au Tchad ?
«Parce que je suis une femme, on a tendance à me confier les reportages les plus faciles : la journée internationale de la femme, les séminaires de moindre importance et les petites cérémonies qui parlent des femmes et des enfants. Je me suis battu par le travail pour mériter le respect des autres collègues», me disait Halimé Asadia Ali, actuelle Directrice de la Télé Tchad. Comme Halimé, beaucoup de femmes journalistes vont au-delà d’elle-même pour affirmer leur compétence.
Être femme journaliste, s’est se voir d’abord traitée de moins que rien. Ensuite, n’importe lequel de tes collègues, même le plus cancre et le plus vilain pense que tu peux te livrer à lui pour avoir ses «faveurs». Quand tu leur tiens tête, il y en a qui racontent que ce sont eux qui écrivent tes articles à ta place. Il y a des gonflés qui vont jusqu’à raconter que les femmes de leur rédaction ne réussirent que grâce à leur soutien.
Je me rappelle les heures supplémentaires que je me tapais pour être chaque semaine la plus productive, la plus active et la plus présente. Ma ténacité m’a valu le respect de mon Directeur de publication et l’estime des lecteurs. Je suis fière de voir mes confrères rougir des remontrances de notre Directeur alors que moi, je recevais des félicitations et reconnaissances.
Etre femme journaliste peut être une expérience édifiante si l’on brave la discrimination sexiste, le harcèlement sexuel et le laxisme. J’ai pitié de celles qui salissent le métier en ouvrant leur cuisse au premier venu pour avoir les faveurs et la promotion.
Une chose est sûre, je suis fière d’être femme et journaliste battante.
Au vu de ces témoignages, je me demande, est-on femme-journaliste, journaliste-femme ou journaliste tout simplement?
Rendodjo Em-A Moundona-Tchad; la ténacité est la meilleure carte de visite
Etre femme-journaliste suppose dans le milieu du journalisme tchadien, être obliger de faire le canapé du chef. Eh bien le mot est dit. S´offrir à ces supérieurs, du directeur des programme au ministre de tutelle, ou moisir. Je venais d´intégrer la rédaction de la radio. J’avais la tête plein de projet et de synopsis d´émissions lorsque la réalité se présenta à moi. C´était lors du grand journal de quatorze heures. Au beau milieu de l´émission, mon encadreur me demanda de l´embrasser. Face à mon refus, il me retira l´autre moitié que je devrais présenter en duo avec lui «tant que tu ne m´embrasseras pas, tu ne passeras pas à l´antenne. C´est la loi ici». Un verdict tranchant. N´étant pas prête à offrir un spectacle pareil aux techniciens qui observaient la scène de l´autre côté de la bais vitrée, je quittais l´antenne résolue de ne pas céder à pareille chantage. Personne ne s´émeut lorsque j´évoque le problème en conférence de rédaction. J´entendrais plus tard d´autres histoires plus drôles et scandaleuses que choquantes les unes les autres plus tard. Des histoires qui renforcent bien la réputation de femme légère qu´on prête aux femmes de médias.
On me confia la direction du desk politique car il me serait facile d´accéder aux hommes politiques. «Tes courbes sont une carte de presse très valable» disait parfois mon chef. Je me suis imposé une rigueur et une discipline mais n´empêche que de temps à autre, on me rappelle ma condition de femme. En tailleur ou en jeans et basket, que ce soit au bureau ou sur le terrain, je reste la femme-journaliste. Mes confrères verraient bien en moi la jolie consœur qui, perché sur des talons avec des jupes taillées sur mesures et doigts bien manucurés, les introduiraient facilement dans les bureaux des dirigeants et autres hommes politiques.
Quant à la mère de mon ami à l´époque, elle ne cessait d´interroger son fils sur sa volonté de vouloir vivre avec une femme qui ne serait jamais au foyer. Une qui porterait la culotte à la maison…
Il était difficile pour moi de m´imposer tout simplement comme journaliste! Alors j´ai laissé parler ma plume, mon ardeur au travail et ma ténacité. Il faut avouer que le trio fut une bonne carte de visite.
Le travail, la ténacité et la persévérance n´aident toujours pas lorsque la société qui est supposée encourager les femmes se veut le lit de toutes ces discriminations vis-à-vis de la journaliste. Il ne reste donc qu´un seul choix, celui de s´assumer, conseille Sinath l´Africaine.
Sinatou Saka du Bénin
Généralement, lorsque l’on parle des journalistes engagés en Afrique, les vraies images qui apparaissent le plus sur l’écran, ce sont celles des hommes. Les femmes, on leur réserve la presse ordinaire et docile qui caresse les tenants du pouvoir dans le sens du poil. Mais l’époque où la femme était reléguée aux travaux familiaux est passée. En choisissant de devenir journaliste et blogueuse, j’étais consciente qu’il serait difficile d’avoir une vie privée normale, car ça exige de nous énormément de mobilité et une abnégation sans nul autre pareil. L’actualité évolue si rapidement que nous avons à peine le temps de penser à autre chose, mais c’est le prix à payer quand nous voulons faire un métier qui nous passionne d’abord. Cependant comme le dit un de mes proches, c’est à l’homme de décider s’il recherche une femme intelligente et autonome que dépendante et soumise. Face à certaines considérations qui minimisent les capacités intellectuelles, j’aime à le rappeler, tout se passe dans notre cerveau. En ce qui me concerne, je ne me considère pas inférieur aux hommes sur le plan intellectuel, alors ceci ne pourrait représenter un obstacle pour moi dans mon métier. Les discriminations sont là. C’est certain, mais on va au-delà et on n’en fait pas un handicap.
S´assumer ou choisir le free-lance comme Fatou qui apprécie cette liberté de ton que le blogging lui procure.
Fatouma Harber, Mali
Journaliste, un métier qui ne va pas avec tout le lot de stéréotypes qui existent dans la société malienne. La femme est plutôt bien vu dans le rôle de femme au foyer, reproductrice en puissance qui au pire pourrait se laisser exploiter par son mari pour les travaux champêtres ou faire du petit commerce. Le journalisme – et d’ailleurs tout autre métier qui voudra l’extraire de cet environnement – est mal vu au Mali. Les femmes qui exercent ce métier – surtout à la télé – ne seraient que des « soungourouba »- prostituées sinon femmes fatales, en bambara – useraient de leurs charmes et en étant des Marie-couche-toi-là ! Un journaliste obtient un poste de chargé de communication dans une ambassade ? « C’est un bon journaliste ! » entendras-tu dire, mais quand c’est une femme, on lui cherchera un copain au gouvernement ou quelque part, bien placé quand même! Il faut être déterminée et passionnée pour faire ce métier dans un pays pareil. C’est ainsi un secret de polichinelle à Bamako que les filles ont plus de chance que les garçons pour avoir des missions intéressantes à la « télé nationale », on en oublie que ces filles ont étudié.
Personnellement, je me suis d’abord orientée vers le journalisme après les études en psychologie avant de l’abandonner quand j’ai su qu’il fallait en plus sortir, connaitre des gens, jouer à la bourgeoise et surtout « porter des pantalons » – chose que je déteste le plus au monde- et surtout savoir sourire bêtement et se taire. Ne pas avoir d’opinion ou tout simplement la taire fait aussi partie des principes pour une femme qui veut percer dans le journalisme au Mali. Et là j’en oublie les aventures sans lendemain qui deviennent ta spécialité et t’attire cette réputation de chasseuse de têtes.
Le blogging et internet m’ont permis de reprendre des activités de journalisme en écrivant pour plusieurs sites et un journal malien. Je me plais bien dans cette position du travailleur indépendant qui n’aura juste qu’à envoyer son « papier » à un courriel. J’en garde ma si précieuse liberté -d’expression et de mouvement-.
Blogueuse ou journaliste, exercer cette fonction revient à se faire l´avocat des réformes et innovations et, on doit dénoncer vigoureusement tout méfait, mensonge, abus de pouvoir, discrimination, le harcèlement sous toutes ses formes, le conservatisme et les approbations démagogiques fondées sur le genre. Qu´ils soient commis par nos collègues, nos supérieurs ou par des élus ou des particuliers contre qui que ça soit. Il est impensable dès lors que celles qui dénoncent subissent.
On ose le dire et tout haut !
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