La prostitution, cet autre visage de Château rouge
Tout le monde en a parlé, beaucoup on écrit sur cette autre image de Château rouge, un quartier parisien du 18e arrondissement, envahi par la prostitution. Moi, j´ai lu ce qui se rapportait à ce sujet, j’ai bien écouté aussi, mais pris le tout avec des épinglettes jusqu´à ce que je me rende compte. Le jour où j´ai compris ce que cela veut dire : se prostituer, j´ai eu de l´aversion envers tous ceux qui entretiennent ce métier, ceux à qui cela profite et ces jeunes prostituées africaines qui gardent un silence complice.
Pour la petite histoire, Château rouge est la petite Afrique du jour, mon marché préféré, mais aussi là où, je fais mes cures lorsque j´ai la nostalgie du marché central de Ndjamena. On y trouve tous les produits alimentaires africains, légumes, épices, fruits vendus à même le sol comme en Afrique. On discute les prix, on se hèle, se chahute. Toute l´atmosphère des marchés africains est là, sauf que la nuit venue, une autre sorte de marchandise est proposée à un autre type de clientèle. J’ai mes petites habitudes dans ce quartier que je croyais connaître. Oui, mais connaître chaque rue, ruelle, boutique et recoin d´un endroit ne veut forcément pas dire qu´on connaît l´endroit. Car Château rouge a bien deux visages ; l´un du jour joyeux, coloré, exaltant et parfumé d’épices et autres délices et l´autre sombre, morose, aux relents pestiférés qui déshumanisent la femme.
A défaut de vitrines et boutiques, elles sont exposées dans le froid hivernal ou la moiteur estivale dans des habits peu chauds avec des touffes de mèches de toutes couleurs sur la tête et les visages peint aux vives couleurs. Depuis quatre heures on fait le va-et-vient sur l´avenue principale du quartier Château rouge de Paris. Comment photographier sans me laisser prendre ? Trottoirs et halls d’immeubles sont depuis quelques minutes envahis par des groupes de femmes qui lentement s´installent, traînent les pieds, lorgnent les enseignes ou discutent entre elles. Certaines ont sous les bras de gros pull-overs. Elles savent qu´elles resteront jusqu´au petit matin. Ces trottoirs sont livrés toute la nuit à de jeunes et très jeunes Africaines, Ghanéennes et Nigérianes tenues d’une main de fer par les « mamas ». Derrière cette prostitution du pauvre, se cachent de puissants réseaux qui exploitent les femmes et leur font payer un lourd tribut. Impossible de les faire parler. Elles sont si méfiantes et je lis la peur dans leur regard comme si un œil invisible les surveille et qu´une oreille invisible les écoute.
Elles portent un sac en bandoulière et n’apparaissent qu´en fin d’après-midi dans les quartiers où se pressent de nombreux passants. Vêtues d’ habits simples, ordinaires, elles montrent toutefois l´essentiel à offrir. Les quartiers de la Goutte-d’Or (XVIIIe) les secteurs Marcadet-Poissonniers et Château Rouge ne proposent qu’un triste spectacle. Les habitants, qui ne supportent plus cette présence sous leurs fenêtres, dans leur cages d’escalier, sous les échafaudages d’un ravalement d’immeuble, à côté des abris de bus, ont fini par se résigner. On est obligé de faire avec dira une dame. Elles sont une machine à satisfaire avec des passes taxées à 20 ou 30 €.
Une image désolante que je veux filmer, mais comment? Je suis accompagnée d’une lectrice de Mondoblog pour pouvoir passer inaperçue. Mais, très vite nous sommes repérées. On nous renifle : on sent les intruses. Les hommes potentiels clients nous toisent de haut, les yeux pleins de questions. Les filles, elles sont prêtes à sortir leurs griffes. Elles observent chacun de nos mouvements. La défense de son terrain est primordiale dans leur monde. Je simule un achat dans une boutique, question d´avoir le bon angle, mais j´échoue. Vaincue, je range mon appareil photo et me décide à repartir sur le trottoir avec mon téléphone. J’ai réussi à voler quelques images et alors que je suis en train de les regarder un courageux ose nous aborder. Notre air dubitatif lui fait comprendre qu´il ferait mieux de tenter sa chance ailleurs. Inutile de traîner longtemps puisque les proxénètes commencent à se faire présents. Après un bref échange de coup d´œil, on décide de s’éloigner pour s’engouffrer dans la première entrée de métro .
Commentaires