Ma vie de ministre

23 novembre 2013

Ma vie de ministre

Etre ministre d´une République n´est pas une chose facile surtout lorsque l´on doit encore vivre l´ingratitude de ces collaborateurs. Voici le quotidien d´un ministre sur les berges du Chari. 

Au premier jour de sa nomination, à la passation de prise de service en présence de la télévision il déclare qu’une lourde tâche l’attend. Quoi ? Il doit dire quelque chose aux micros qu’on lui tend. N´importe quoi, mais pourvu qu´il parle, alors il parle de sa lourde tâche. Le soir de cette annonce commence l’élaboration d´une liste du personnel de son cabinet qui l´aidera à accomplir sa mission. Une revue de troupe de la famille, sous l´œil de madame, a lieu. Tant pis pour les sœurs ou beaux-frères qui n´ont jamais aimé madame. Mais cireur de chaussures ou fille de salle vous ne serez pas.

Pour accomplir une lourde tâche, il faut aussi être connu. Ainsi, au deuxième jour de la nomination commence les ouvertures de séminaires, accompagnement de la première dame à une cérémonie de remise de dons. Au troisième jour, c´est la  déclaration de la journée mondiale de polio, handicapés, rire, sommeil, … il faut être sous les rampes de la télé et que le peuple voit qu´on est partout et dans tous les cas pour lui. Quand on commence un travail, il faut l´accomplir et ça, nos ministres tchadiens le savent bien. Ainsi ils reviennent toujours quatrième jour pour la clôture du même séminaire qu´ils ont ouvert. Je dirais, c´est la logique ministérielle tchadienne.

Les jeudis sont des jours très spéciaux pour les ministres de la République tchadienne. C´est ici que chacun vient faire le contenu-rendu de sa semaine, son mois à la tête du ministère et réciter le plaidoyer pour ses actions à venir, négocier l´augmentation du budget du ministère, le carburant des attachés de presse, les voyages de shopping de la maîtresse, le budget des vacances de ses enfants.

La vie d´un ministre de la République n´est pas tranquille. On bouge beaucoup pour les ouvertures, clôture, visite de terrain, prise de contact, constat de visu de tout et de n´importe quoi. Heureusement il y a ces organes de presse qui sont les seuls à les comprendre et les accompagnent toujours. Pour cela il faut aussi une compensation, tant pis si le premier ministre ne veut pas. Le peuple, tant qu´on travaille pour lui, il est permis de détourner ses biens. C´est logique. Toute chose mérite un salaire pour le temps que tarde un remaniement.

Puis un soir, on apprend que par la faute d´un nouveau partisan on vient de nous remercier. Alors qu´on a pas encore fini d´accomplir sa lourde tâche, il faut rapidement organiser une passation de service pour mon successeur qui a hâte de se mettre à l’ouvrage :  construire ses duplex, garnir ses parcs-autos, sélectionner de nouvelles maîtresses, organiser les luxueux voyages de sa progéniture… Tout un programme pour la République.

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Commentaires

Ahmat Zéïdane Bichara
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Tu as tout dit. En fait,ce que l'on retient de cet article,c'est que chaque ministre tchadien est logiquement nommé pour lui et pour son entourage. Et rien d'autre.Mais le territoire appartient tout de même à tout le monde. C'est un peu rigolo de lire ton article tout au début,mais vers la fin il y a une leçon de morale à tirer qui te dépossède le sourire lorsque l'on est du Tchad.En résumé,tout marche bien chez les Sao ou les Toumaï,sauf la fonction du ministre et les bonnes actions qui développent le pays.En tout cas une fois de plus bravo pour cette humble réflexion journaliste.

Réndodjo Em-A Moundona
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Merci de me lire. Chaque lecteur est libre de comprendre à sa guise, c'est ce qui fait aussi la beauté d'un billet.